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faction, à lire le compte-rendu des séances dans les journaux et à signer les budgets et les procès-verbaux de son nom écrit en caractères français. Lequel de nous ne regretterait d’être privé d’un collègue aussi bien disposé pour la civilisation?

L’établissement des budgets provinciaux a donné lieu à des observations mieux fondées. Tels qu’ils ont été dressés pour la première session, ils n’étaient que la reproduction de l’ancien budget local et municipal, avec plus d’équité dans la répartition entre les provinces. Comme transition entre deux régimes, on ne pouvait faire mieux; mais l’Algérie ne saurait accepter, pour le partage définitif de ses revenus entre elle et l’état, un système inspiré aux chambres de 1844 par un esprit exclusif de centralisation qui méconnut à la fois l’unité coloniale et provinciale, et proclama la survivance exclusive de l’état d’un côté, et des communes de l’autre. Aujourd’hui que la province tout au moins a repris ses droits et que des budgets spéciaux sont établis pour chaque commune, la part qui suffisait au budget local et municipal ne saurait suffire en Algérie au budget provincial. L’état devra se dessaisir de tout ce qui n’est pas administration générale, civile, politique ou militaire, avec une part de recettes corrélative aux dépenses, et mettre chaque province en pleine jouissance de ses attributions normales.

Les communes n’ont guère été moins maltraitées par l’absorbante centralisation de l’état. Il ne s’est pas montré assez convaincu que dans toute société, et surtout dans une colonie naissante, la commune est la pierre angulaire de tout l’édifice. Là se fixent les essaims nomades de l’émigration, là naissent et vivent les générations nouvelles, qui rattachent à la commune leurs affections et leurs intérêts, et en font le théâtre de leur première et légitime ambition. L’instituer sur ses vraies bases, dans les campagnes aussi bien que dans les villes, en lui ménageant toutes les conditions d’un essor prospère, aurait dû être, dès le premier jour où la colonisation fut résolue, le souci principal des gouvernans. Il faut arriver jusqu’à la fin de 1847 pour trouver prescrite l’érection en commune des centres de population ayant acquis un certain degré de développement, prescription qui n’a été exécutée encore que pour un petit nombre de localités. Et les communes, quand est venu le jour de leur institution légale, n’ont pas reçu de l’état les deux organes nécessaires de leur activité, un conseil municipal et un domaine communal, ou ce que l’on a appelé de ce nom n’en a été que l’ombre. L’esprit local, si puissant au moyen âge et dans le Nouveau-Monde, ayant été ainsi étouffé, l’état a dû se charger d’une multitude de travaux qui ne le regardaient pas. Ainsi a-t-il dû partout non-seulement assigner les emplacemens des villages et tracer les alignemens, mais bâtir les