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code d’instruction criminelle, qui avait subi de graves dérogations au profit de l’excessive prépondérance du ministère public, il a été récemment rétabli dans son intégrité. Il ne reste plus à obtenir, pour une assimilation à peu près complète, que le jury et l’inamovibilité de la magistrature.

Une innovation heureuse a été celle des justices de paix à compétence étendue, embrassant, outre les matières civiles et de police, les affaires correctionnelles de peu d’importance. Elle exige pour complément un choix sévère des juges de paix, fonction qui échoit trop souvent, à entendre les colons, à de jeunes avocats dont le stage est à peine terminé, et qui font leur noviciat en des postes où une expérience consommée serait nécessaire. Les mêmes plaintes retentissent contre les commissaires civils, qui, dans les localités en voie d’organisation, réunissent le pouvoir judiciaire au pouvoir administratif: cumul déplaisant pour les populations, car de tels fonctionnaires, s’ils n’ont pas une haute et délicate intelligence de leurs devoirs, sont des maîtres absolus dont les caprices sont fort redoutables. La situation est moins régulière encore sur les territoires militaires, où la justice de paix se personnifie dans un commandant de place, le plus souvent brave et digne officier sans doute, mais peu familier avec les codes et ne les estimant pas à toute leur valeur. Le mal était pire lorsque les appels des sentences des commandans de place étaient portés devant les généraux de subdivision; il n’en est plus ainsi aujourd’hui, et les tribunaux civils étendent jusque-là leur juridiction, première réforme qui en appelle une seconde, à savoir la compétence des tribunaux de droit commun étendue, pour les Européens du moins, au territoire militaire : les conseils de guerre y prononcent seuls aujourd’hui sur les affaires correctionnelles et criminelles, rigueur abusive qui rappelle un état de siège plutôt que l’état normal d’un pays.

Au département de la justice se rattachent les naturalisations ainsi que les pénitenciers, qui dépendent aussi à certains égards des ministères d’état et de l’intérieur. En toute colonie, la naturalisation devrait ressortir de l’autorité politique plutôt que de la justice, tant son caractère est autre que dans la métropole; ici elle est un rare incident, là elle devrait être la grande affaire de tous les jours. Comment croire, sans des informations bien sûres, qu’en Algérie comme en France l’étranger doit justifier de dix ans de séjour pour obtenir sa naturalisation? Espère-t-on ainsi attacher à la patrie nouvelle une population d’émigrans et créer une nation homogène? Pour tempérer la rigueur légale, les étrangers ont été admis au sein des conseils municipaux et des chambres de commerce; on les appelle à ce titre dans la plupart des commissions. Une po-