Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et une exactitude assez rares dans toute chambre législative. Comme il faisait part un jour à l’un de ses collègues de ses projets de retraite, celui-ci lui fit observer que sa présence pouvait être utile à la formation d’un cabinet plus modéré, quoique libéral encore, dans le cas où le ministère d’Azeglio viendrait à tomber. Cette prévision ne tarda pas à se réaliser. En juin 1852, le ministère proposa une loi sur le mariage civil. La loi était mal préparée. Le comte Balbo demanda encore un délai, mais avec beaucoup de raison cette fois. « La discussion pourrait être renvoyée à l’automne, la dignité du parlement voulant que cette loi soit bien faite. Je fais cette motion, ajoutait-il, contre mon propre sentiment, car mon opinion, — que la chambre me pardonnera si elle est exagérée, — sans apprécier si l’état a en ceci le droit pour lui, ce que j’ignore, n’ayant jamais étudié le droit que pendant sept mois, — mon opinion est qu’il ne convient à aucun état de se mêler du contrat de mariage. » Cette phrase embarrassée ne semble-t-elle pas indiquer le caractère naïf et honnête de cet homme de bien, arrêté à chaque mot par la crainte de faire tort à quelqu’un ou à quelque chose? La loi, mal rédigée et votée par la chambre, qui en reconnaissait cependant les défauts, fut rejetée par le sénat pour des motifs indépendans des remontrances de la cour de Rome. Quelque temps après, le ministère d’Azeglio, faiblement soutenu par la chambre, se démit de ses fonctions. Le roi invita M. de Cavour à composer un ministère, sous la condition d’un accord avec le pape. Mgr Charvaz, qui revenait de Rome, fut consulté sur la possibilité de l’accord désiré; il répondit qu’il croyait l’accord difficile, mais possible, pourvu que M. de Cavour ne fît pas partie du nouveau cabinet; sur quoi M. de Cavour se retira. Alors le comte Balbo fut chargé de former un ministère. Il déclara qu’il voulait le comte de Revel pour collègue, et lui réserva, avec une modestie qui était un trait de son caractère, la présidence du conseil; mais M. de Revel objecta qu’il ne comptait pas assez sur l’appui de la chambre pour accepter un portefeuille. On a cru pouvoir supposer qu’en réalité il craignait le contact du comte Balbo, qui passait pour n’être pas heureux dans la pratique des affaires. Il faut convenir en effet qu’il y avait dans Balbo beaucoup plus de douceur et un peu moins de fermeté qu’il n’en faut à un homme d’état. La combinaison fut abandonnée.

Cette crise ministérielle, qui signale la dernière intervention notable du comte Balbo dans les affaires de gouvernement, fut mal vue par l’opinion publique. On prêtait à Balbo ainsi qu’à M. de Revel des intentions qu’ils n’avaient pas, celles de dissoudre la chambre, de restreindre les franchises de la presse, la liberté des électeurs, d’abolir enfin la constitution en fait, sinon en droit. Ces supposi-