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autres communes de France, a été souvent agitée depuis un demi-siècle. Le régime municipal a-t-il là comme ailleurs ses profondes racines engagées dans la société? Oui, sans doute : le régime municipal de Paris n’a pas eu d’autre origine que celui des autres communes; il est descendu des Gaules à travers l’empire romain, et a vécu de sa vie propre du jour même où une peuplade s’est trouvée réunie dans l’île étroite de la Cité. On en convient, mais on ajoute que la situation exceptionnelle de Paris au milieu des autres communes exige une organisation spéciale. Il y a là en effet une curieuse remarque à faire, un point fort important à observer. La commune, à prendre les choses dans leur véritable acception, est une grande famille; le lien qui réunit sous le rapport de certains devoirs et de certaines charges un nombre donné d’individus suppose une agglomération relativement limitée ; là, ainsi que dans la famille, à mesure que le cercle s’étend, les liens de l’association et de la solidarité communale s’affaiblissent : une agglomération de quinze cent mille âmes n’est point un état, mais c’est déjà plus qu’une commune. Aussi qu’arrive-t-il dans ces grands centres de population? Par la force même des choses, l’élément communal se reconstitue, se reforme de lui-même; il se trace une nouvelle sphère moins étendue, plus ramassée, où chacun peut se toucher et se connaître : la grande commune se divise en groupes, en sections ou arrondissemens, et chaque division devient un centre où se rétablissent les liens naturels de la solidarité et de l’association municipales. Voilà comment s’expliquent les diverses transformations qu’a subies l’organisation municipale de Paris : une seule agglomération apparaît d’abord, et puis à mesure que la cité grandit et s’étend, les agglomérations secondaires se forment autour du centre commun, et se resserrent comme pour se fortifier dans un mutuel effort. Ce n’est point là le résultat du hasard; c’est la manifestation naturelle d’une grande loi qui a constitué partout, d’après les divers degrés de développement de la population, la famille, la commune et l’état. Cette loi, il faut l’étudier pour ne pas la blesser dans ses exigences, et en accepter résolument l’empire; vainement la royauté absolue voulut-elle la méconnaître, vainement chercherait-on à en éluder les irrésistibles effets; un jour ou l’autre elle se révèle et s’impose d’elle-même.

A Londres, l’élément féodal et l’élément municipal se sont amalgamés et confondus d’une manière étrange, et de là est résulté un fait assez surprenant au premier aspect. La Cité, c’est-à-dire le premier centre municipal de Londres, s’administre librement, et jouit de certaines franchises; mais l’immense population qui a débordé à la longue dans tous les sens, et s’est étendue en dehors