Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 20.djvu/955

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On a également contesté la nécessité de la mesure au point de vue de la sécurité individuelle. Dans l’état actuel des choses, le préfet de police a pleine juridiction dans l’étendue de la ville de Paris, mais il est loin d’être désarmé à l’égard des communes environnantes. On a compris depuis longtemps la nécessité d’étendre l’action de la police au-delà des barrières de Paris. « Si l’on me demande, disait Sieyès en 1789, pourquoi je ne borne pas la cité de Paris à ce qu’elle est, intra muros, je répondrai que la double administration de Paris, considéré soit comme province, soit comme municipalité, serait extrêmement gênée, que l’on s’exposerait à des querelles sans cesse renaissantes, si la police ne s’étendait pas au-delà de ses murs[1]. » Aussi, à quelques réserves près, qui touchent plutôt à la police municipale qu’à la police judiciaire ou générale, l’autorité du préfet de police s’étend-elle sur toutes les communes du département de la Seine, de telle façon qu’un malfaiteur peut être traqué par les agens de la préfecture aussi bien dans les arrondissemens de Sceaux et de Saint-Denis qu’à l’intérieur de Paris même. De là cette objection des communes suburbaines, que leur police pouvait facilement se rattacher au système et à l’organisation de la police de la capitale, qu’il n’était besoin pour cela d’aucune modification à l’état présent des choses, que le mur d’octroi n’était ni une barrière, ni un obstacle, et qu’il pouvait être maintenu ; que s’il était nécessaire de donner à leur population un agent pour 360 hommes, comme à Paris, c’était là une faible charge à ajouter à leur budget et qu’aucune d’elles ne refusait de s’imposer, si elle était nécessaire à la sécurité des citoyens[2]. On peut leur répondre qu’il ne s’agit pas seulement ici d’une question de sûreté individuelle; l’ordre politique, comme l’a fait remarquer M. Le ministre de l’intérieur, est également engagé dans la mesure, et les préoccupations du gouvernement doivent s’élever beaucoup plus haut : «La surveillance faisant défaut au milieu des populations mobiles agglomérées sans lien administratif puissant, les mœurs et les idées se pervertiraient; un danger pour l’ordre public en sortirait peut-être, et la capitale de la France serait comme assiégée par des masses flottantes n’appartenant, à proprement parler, ni à Paris, ni à la province. » Ces considérations sont d’une grande justesse; mais par quels moyens sera-t-il pourvu à la nouvelle organisation de la commune, comment sera disciplinée cette population de 1,500,000 habitans ?

Sur ce point, qu’on nous permette quelques observations que la première partie de cette étude a pu faire pressentir : il n’existe malheureusement entre les populations suburbaines et même entre les

  1. Quelques Idées de constitution applicables à la ville de Paris, broch., 1789.
  2. Mémoire du conseil municipal de La Villette.