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à le recevoir; bientôt cependant il hésitait, et il finissait par refuser d’admettre le jeune diplomate. Il s’ensuivait une certaine froideur momentanée entre les deux gouvernemens. Comment s’expliquait cet incident? Était-ce une cause propre au grand-duc ou à la personne même de celui qui était l’objet de ce refus? Nullement : l’attaché d’ambassade était un jeune homme d’un grand nom, d’un esprit cultivé, auteur d’un essai distingué sur Milan et les Princes de Savoie; mais il était le fils d’un des principaux émigrés lombards, du comte Casati, et cela suffisait. Une pensée ou une suggestion autrichienne s’interposait entre deux états italiens que tous les intérêts rapprochent. Il y a encore aujourd’hui entre le Piémont et le saint-siège une foule de difficultés épineuses qui troublent tous les rapports de l’état sarde et de l’église. Ces difficultés, il est vrai, ne sont pas nées, comme on l’a dit, de lois sur le mariage civil et sur les fêtes ecclésiastiques qui n’existent pas; elles tiennent à tout un ensemble de dissentimens sur des questions qui intéressent à la fois le pouvoir civil et le pouvoir religieux. La loi sur l’abolition des juridictions ecclésiastiques et la loi sur les couvens sont les principaux élémens de ce débat. De l’aveu de tous les esprits sensés et justes, ces difficultés n’ont assurément rien d’insoluble. Aisément on pourrait arriver à une transaction, si on ne consultait que les intérêts mêmes de l’état et de l’église; mais entre la cour de Rome et le cabinet de Turin s’est élevé depuis quelques années le concordat autrichien, comme un obstacle à la pacification religieuse du Piétnont. Et c’est ainsi que sous toutes les formes reparaît un intérêt autrichien gênant le mouvement naturel de l’Italie, limitant l’indépendance des états, troublant les rapports des gouvernemens, et créant une situation anormale où il n’y a d’autre alternative qu’une abdication de nationalité et de souveraineté ou une hostilité toujours périlleuse, l’extension indéfinie d’un absolutisme étranger ou la révolution toujours prête à s’échapper des profondeurs d’un pays plein de fermentations mystérieuses.

C’est là justement la situation sur laquelle l’Europe a les yeux fixés depuis trois mois. Comment remédiera-t-on à ces troubles invétérés et arrivera-t-on à remettre de l’ordre dans ces incohérences? Il y a évidemment des remèdes de diverse nature : les uns sont le secret de la conscience et de l’inspiration des peuples; les autres sont le secret de la diplomatie, laborieusement appliquée à concilier tous les intérêts, à réduire tous les problèmes à ce qu’ils ont de pratique. Pour les Italiens, il n’y a qu’un moyen unique et souverain, c’est l’indépendance, c’est la suppression de la cause première des impossibilités au sein desquelles se débat la péninsule, c’est un affranchissement immédiat de nationalité. C’est là pour ainsi dire