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Voici comment s’exprimait le rapporteur : « Une protection est indispensable... La protection peut aller quelquefois jusqu’à la prohibition, mais la prohibition ne doit en aucun cas être éternelle : accordée à propos, elle crée et multiplie les entreprises, par celles-ci la rivalité, par la rivalité les moyens de perfectionnement et d’économie; trop longtemps maintenue, elle peut devenir une cause de retardement et de torpeur. Les taxes, protection plus rationnelle et moins hostile aux autres peuples, ont pour objet de mettre la production du pays en équilibre avec la production étrangère; elles doivent donc se limiter aux différences naturelles ou accidentelles des conditions respectives. Elles aussi doivent décroître avec le progrès qu’elles ont eu en vue de favoriser. Faire moins, c’est atténuer la fortune du pays en refusant à ses travailleurs leur première garantie, c’est-à-dire une large préférence sur leur propre marché. Faire plus, c’est tenir trop peu de compte de l’intérêt du consommateur,... c’est d’ailleurs par trop négliger l’intérêt du commerce extérieur, auxiliaire si nécessaire de notre mouvement agricole et industriel... » Il y a plus de vingt-cinq ans que ces lignes ont été écrites : l’administration qui s’est inspirée sous tous les régimes politiques des doctrines si clairement exposées par M. de Saint-Cricq a introduit dans la législation douanière, surtout depuis 1848, des améliorations nombreuses qu’il serait injuste de méconnaître. Elle a fait tout ce qui a dépendu d’elle pour abaisser les taxes d’entrée, pour favoriser les entrepôts, le transit, le cabotage, elle a supprimé la plupart des droits de sortie; mais contre les prohibitions, elle est jusqu’à ce jour demeurée impuissante. Il n’est pas contesté cependant que l’industrie française a accompli d’immenses progrès, qu’elle produit en abondance et avec une grande habileté les articles les plus variés, qu’elle a profité largement des facilités que lui offrent pour ses approvisionnemens de matières premières comme pour ses expéditions l’achèvement des canaux et la création des chemins de fer, en un mot qu’elle est adulte et vigoureuse. On l’a bien vu lors des expositions universelles. Parmi les visiteurs qui de tous les pays sont venus contempler ces tableaux de l’industrie contemporaine, il n’y a eu qu’une impression, qu’une voix sur les qualités brillantes et solides de nos produits manufacturés. L’étude désintéressée des statistiques de la douane confirme cette opinion. Que voyons-nous, si l’on consulte les chiffres? D’une part, comme fait général, une exportation toujours croissante d’articles fabriqués; d’autre part, comme fait particulier, le développement rapide de ces exportations en ce qui concerne spécialement les articles que nous protégeons en France par la prohibition absolue. Ainsi, de 529 millions de francs en 1847, la valeur de nos exportations d’objets manufacturés s’est élevée pour 1856 à 1,288 millions. Nous prohibons les draps, et en 1856 nous en avons exporté 1,605,000 kilogrammes d’une valeur de 43 millions, à destination de la Turquie, de l’Espagne, de la