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II.

Tandis que William Hodson exerçait ainsi le métier complexe de philanthrope à tout faire, Henry Lawrence, chargé d’organiser le Pendjab, y créait ce corps de guides qui a rendu de si éclatans services dans les dernières guerres. Le but de cette création, le voici. « On se propose, écrit Hodson[1], de former en temps de paix des hommes utiles en temps de guerre, connaissant non-seulement les localités, routes, rivières, collines, gués, passages, mais aussi approximativement les produits de chaque contrée et les ressources en tout genre, capables de donner sur toute chose des renseignemens exacts, d’apprécier la force d’un corps en marche, de ne s’exagérer rien, de ne pas prendre pour un détachement quelques cavaliers soulevant la poussière autour d’un chariot attelé de bœufs. Les officiers doivent pouvoir esquisser les principaux détails de tout pays où l’on s’engage; ils doivent être au fait de toutes les voies de communication et de tous les moyens d’alimenter les troupes. Enfin et surtout, — c’est ici que leur rôle acquiert une portée politique, — ils doivent avoir l’œil sur l’état moral du pays, les menées des princes voisins, et donner à propos les indications qui permettent d’étouffer en son germe toute révolte projetée. Voilà ce qu’est en théorie le corps des guides. Je vous dirai, quand je le saurai, ce qu’il sera dans la pratique. »

Tout naturellement, en organisant cette nouvelle milice, Lawrence avait songé à son jeune protégé. Cependant, par un admirable désintéressement, il faisait auprès du gouverneur-général toutes les démarches qui pouvaient procurer à Hodson un grade plus avantageux dans l’armée régulière; mais comme il se présentait des difficultés réglementaires que la bonne volonté officielle ne paraissait pas devoir lever de sitôt, l’agent du Pendjab (c’est sous ce titre modeste que Lawrence exerçait sa vice-royauté très effective) sentit qu’il avait mis trop de scrupules à s’assurer les services de Hodson. Il l’appela dans sa province, lui donna le commandement en second du corps des guides[2], et tout immédiatement l’envoya faire le relevé topographique d’un des districts encore en voie d’organisation. Le même homme que nous avons laissé au mois de juillet 1846 à la tête d’une espèce de pensionnat, nous le retrouvons en novembre campé à Kunoor, et chargé de percer une route de quarante milles allant de Lahore à Ferozepore, sur les bords du Sutledge. Autres soins, même ardeur. Hodson manie les chaînes, les niveaux, le télescope, le compas, le théodolite,

  1. Lettre du 27 février 1848.
  2. Sous les ordres du lieutenant Lumsden.