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neté. La qualité des services n’en compense pas la durée. Hodson a surabondamment prouvé qu’il était capable de gouverner; mais on ne gouverne pas au bout de cinq ans : tant pis pour les mérites exceptionnels; la règle est faite pour le commun des martyrs.

Les guides cependant sont à Peshawur, à la limite de l’Afghanistan. C’est là une compensation à bien des déboires, car il y a peu de chemin à faire pour se retrouver sur un champ de bataille. Ira-t-on à Caboul et à Kandahar? Pourquoi même ne pousserait-on pas jusqu’à Hérat? L’ancien élève de Rugby se pose toutes ces questions; mais point. Les forces accumulées à Peshawur (10,000 hommes à peu près, dont bon nombre d’Européens) y passeront sept longs mois, sept mois de chaleur, « et sans livres! s’écrie douloureusement Hodson. Je suis un des mieux approvisionnés, ajoute-t-il, car, en ma qualité de nomade, j’ai toujours dans mes bagages, si légers qu’ils soient, un petit nombre de volumes ; mais je les ai tous lus et relus jusqu’au dégoût, Shakspeare excepté !... »

Henry Lawrence pourtant ne laissera pas languir longtemps dans la fastidieuse oisiveté d’une garnison un homme dont il connaît la valeur. Il lui fait résigner son commandement des guides, et le place comme assistant-commissioner dans les cadres de l’administration civile. Hodson, qui ne dépose pas son épée sans quelque regret et quelque résistance, finit par céder aux conseils de ses patrons. Ses fonctions nouvelles, il les définit ainsi : « dans leurs districts respectifs, les délégués aides-commissaires réunissent toutes les attributions judiciaires, fiscales et administratives qui, dans nos pays d’Europe, incombent au gouvernement. Ajoutez-y le soin d’assurer la rentrée du prix de ferme de toutes les terres cultivées et les devoirs attachés à la condition de propriétaire d’immeubles, la police, le régime des prisons, les sessions trimestrielles, les mandats d’arrêt, les fonctions de juré, celles de juge, les taxes de consommation, le droit de timbre, les impôts personnels ou directs, les routes, les ponts, les gués, les eaux et forêts, puis, pour couronnement, le revenu domanial; pensez à tous les détails de chacune de ces administrations, et vous aurez quelque idée de ce qui constitue les fonctions d’un administrateur de l’ordre civil dans ce bienheureux pays du Pendjab. »

Son début dans la carrière administrative se fit au quartier-général, sous les yeux de sir Henry Lawrence. Il eut à examiner et à faire admettre ou rejeter les réclamations innombrables de tous les individus naguère attachés à la cour de Lahore, et que l’annexion avait privés de leurs emplois. Ensuite vint le travail des pensions ou indemnités individuelles à répartir aux familles des soldats tués pendant la guerre. « Je n’ai pas moins de deux mille vieilles femmes, veuves et mères de héros défunts, à voir et à faire vivre, » s’écrie--