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service, lui paraissait à bon droit un coup de fortune, et nous le voyons repousser avec dédain l’offre d’échange que lui adressait le secrétaire de l’administration centrale pour les affaires militaires. « Eh quoi! s’écria-t-il, pour 200 livres sterling de plus par an, je renoncerais à commander un bataillon d’infanterie et un escadron et demi de cavaliers, avec quatre officiers anglais sous mes ordres!... Non, vraiment. Je préfère une selle à un fauteuil de bureau, et la frontière, surtout la frontière de Peshawur, toujours menacée, à cette vie respectable de la capitale, vie de promenades en carrosse, de dîners priés, de toilettes, etc. Enfin je préfère l’ambition à l’argent. » Et le 1er novembre il se retrouvait, avec une sorte d’enthousiasme, à la tête de ses chers « guides, » jadis créés, organisés par ses soins. Trois cents cavaliers, cinq cent soixante fantassins, mieux qu’un régiment, telle était cette troupe d’élite, qui, vingt-quatre heures après avoir passé sous ses ordres, partait de Peshawur pour aller faire campagne dans le Huzara. « Nous avons tout ce qu’il nous faut pour une jolie petite expédition de montagne, si ce n’est toutefois des ennemis. C’était jadis une condition sine quâ non pour faire la guerre; maintenant on s’en passe à merveille. La forteresse que nous sommes chargés de détruire n’existe plus depuis bien des mois, et nous avons à rétablir, dans un territoire d’où il a été chassé, un de nos alliés indiens, lequel, par malheur, ne veut à aucun prix qu’on l’y rétablisse... Quant à mon autorité, elle est tant soit peu despotique. J’enrôle et je casse qui bon me semble; je fais donner les étrivières, j’inflige la prison, je dégrade, j’avance à ma fantaisie tous mes hommes, y compris les officiers indigènes (non les autres), toutefois avec cette clause restrictive, qu’un seul abus de pouvoir m’ôterait jusqu’au moindre de ces brillans privilèges. Il faut une suprématie de ce genre quand il s’agit de faire marcher des sauvages de race et de langage divers, ramassés depuis les rivages de l’Hhidou-Koosh et de l’Himalaya jusqu’aux plaines du Scindh et de l’Hindoustan, gens plus enclins à frapper qu’à se plaindre, et plus insoucieux de tuer un homme qu’on ne pourrait jamais l’imaginer dans notre Angleterre civilisée. »

La campagne dont il parlait lui-même avec tant d’insouciance fut une des plus rudes qu’il eût jamais faites; elle dura sept semaines, par un temps glacial, au sein de montagnes abruptes, couvertes de forêts et défendues avec acharnement. Jusqu’à ce jour, on n’avait pu recueillir aucun détail sur cette expédition du Huzara. La politique du gouvernement anglo-hindou était de représenter la frontière nord-ouest comme parfaitement tranquille, et de reporter toute l’attention sur la guerre qui se faisait à l’autre extrémité de l’empire. Seulement, et peut-être pour dédommager Hodson de cette ingratitude calculée, on lui offrit le commandement d’un vaste district, l’Euzof-