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l’autre ou simultanément vingt plantes nouvelles. De toutes celles qui survivent, acceptées par le climat, telles que le tabac, le coton, le mûrier, la garance, le lin, la vigne, il n’en est pas une dont les colons ne se soient avisés d’eux-mêmes les premiers à l’heure opportune. Pour les autres, elles sont tombées à peu près toutes ou s’en vont de jour en jour; mais ce n’est pas l’état qui a payé les frais des expériences. La culture intensive, à grands renforts de capitaux et de bras, avait aux yeux des représentans du pouvoir l’avantage de tirer un plus grand parti d’une même contenance de terres, de distribuer un plus grand nombre de colons sur une étendue donnée de territoire; elle permettait un peuplement plus dense et justifiait l’extrême morcellement. C’était son côté spécieux et fallacieux en même temps, car cette population, trop serrée sur le sol, ne pouvant se procurer des engrais par l’élève du bétail, ni établir des assolemens par la rotation des cultures, devait bientôt épuiser la fécondité naturelle de la terre, et étouffer sur ses petits lots, ainsi qu’il est arrivé. Toute colonisation naissante réclame de larges espaces.

Dans cette tendance, le gouvernement prenait appui, il est juste de le reconnaître, sur l’esprit public français, qui, trompé par ce mot de colonie, croyait avoir affaire aux Antilles ou à Bourbon, et demandait à l’Algérie des denrées coloniales. À ce préjugé se joignaient les intérêts et les doctrines protectionistes, qui posaient, comme un principe hors de toute atteinte, que l’Algérie ne devait pas faire concurrence à la métropole par des produits similaires aux siens, qu’elle devait viser seulement à combler les lacunes de la production française : double et grave erreur dont l’Algérie a été victime. Située entre les 35e et 37e parallèles nord, séparée du tropique du Cancer par douze degrés de latitude, l’Algérie n’a rien de tropical; comprise dans le bassin méditerranéen, sur sa lisière méridionale, elle est une région analogue, pour le climat et les productions, à toutes celles qui forment le vaste amphithéâtre dont les assises inférieures se baignent dans cette mer : l’Espagne, la Fiance méridionale, l’Italie, la Sicile, Malte, la Grèce. La science botanique a constaté que nulle plante des contrées tropicales ne croissait spontanément sur son territoire; sa flore a ses analogies les plus marquées avec celle du sud-ouest de l’Espagne. Le Sahara lui-même rappelle par sa végétation l’Egypte et la Syrie, non la zone intertropicale. Il y avait erreur manifeste à attendre de l’Algérie ce qu’on appelle les denrées coloniales, à l’exception du tabac et du coton.

Ainsi déçue dans ses espérances, la France aurait-elle à regretter un inutile accroissement de territoire? Les révélations de la statis-