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chés, où les transactions des Européens et des Israélites dans les tribus sont entourées de formalités qui en restreignent beaucoup le nombre et l’importance. En faveur de ces restrictions, les chefs militaires invoquent le danger dont seraient menacées la fortune et la vie des négocians. Si cette crainte est fondée, et nous n’oserions affirmer qu’elle est tout à fait imaginaire, l’on est autorisé à conclure que l’administration actuelle des tribus, personnifiée dans les chefs indigènes, a bien peu atteint son but en ce qui concerne l’ordre et la sécurité, malgré la surveillance des bureaux arabes. Il est permis de croire qu’une bonne organisation de la police et de la gendarmerie, avec des agens indigènes pour auxiliaires, surtout la pénétration permanente du pays par la population européenne, offriraient au commerce intérieur des garanties bien supérieures de sécurité.

Le commerce extérieur est réglé par la loi du 11 janvier 1851, qui, sous un caractère général de liberté, que nos autres colonies ont droit d’envier, laisse subsister dans son système de tarifs quelques clauses très préjudiciables[1]. D’une part, certains produits naturels et la presque totalité des produits industriels restent soumis, sauf des décrets et des lois d’exception fort difficiles à obtenir, au tarif général, qui les prohibe ou les frappe de droits protecteurs; de l’autre, les taxes à l’entrée des produits étrangers atteignent le taux très lourd de 20 à 30 pour 100 en moyenne, moindre ou plus élevé dans quelques cas. Ainsi se trouvent gênées dans leur essor l’importation et l’exportation, gêne dont l’effet retombe sur les producteurs et les consommateurs, sur le pays tout entier.

Le redressement de cette situation anormale a donné lieu depuis un an à de vifs débats, dans lesquels deux partis sont en présence, tous deux arborant le drapeau de la liberté commerciale; mais l’un ne vise qu’à l’abolition des taxes sur l’importation algérienne, l’autre se préoccupe à la fois des deux courans, l’entrée et la sortie. Le premier a réclamé la franchise pure et simple des ports de l’Algérie : à ce prix, il consent de gaieté de cœur au maintien des prohibitions et protections actuelles du tarif français contre les produits algériens; il renonce même aux libéralités de la loi de 1851, en réclamant pour l’Algérie le même traitement que pour tout pays étranger. Sa doctrine se résume en deux mots, séparation commerciale de l’Algérie et de la France. On n’a peut-être pas oublié que la simple annonce du triomphe présumé d’un système qui paraissait livrer à l’Angleterre le marché algérien excita l’an dernier, parmi plusieurs villes industrielles, Rouen, Lille, Saint-Etienne, pour lesquelles l’Algérie offre un important débouché, une si vive émotion, qu’un

  1. Voyez, dans la Revue du 1er octobre 1858, un article de M. Lavollée sur le Régime commercial de l’Algérie.