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formel démenti dut être inséré au Moniteur. L’autre parti, préoccupé surtout des avantages de la liberté commerciale de l’Algérie vis-à-vis de la France, réclame la suppression des barrières douanières qui les séparent encore, condition préalable de tous les autres progrès libéraux, dont il ne repousse aucun. Il ne va pourtant pas jusqu’à l’abolition complète de tout droit de douane sur l’importation, en s’autorisant à cet égard de l’exemple même de l’Angleterre, de la Suisse, de la Sardaigne et des États-Unis, ou plutôt de l’expérience universelle, qui montre dans ce genre de taxe, quand elle est modérée, une des meilleures sources du revenu public et l’un des impôts qui blessent le moins les contribuables. Le drapeau de ce parti est l’assimilation progressive de l’Algérie à la France, conciliée avec une large dose de liberté pour l’importation des produits étrangers. Son système vise à l’union intime des deux pays, et par là il se pose comme l’antipode de l’autre, qui tend à une séparation politique. Un patriotisme soucieux de l’avenir doit repousser une telle perspective et réclamer seulement des réformes de tarifs suffisantes pour rendre l’exportation et l’importation de l’Algérie à leur essor naturel.

Délivrée des entraves qui paralysent encore sa production et sa consommation, la colonie verrait croître rapidement son énergie vitale; l’équilibre de ses fonctions, rompu surtout par le délaissement forcé de l’industrie, serait rétabli. Devant un débouché aussi important que celui de la France, l’ardeur des entreprises se porterait sur les réserves si abondantes et si variées de matières premières que contiennent les flancs de ses montagnes ou qui couvrent ses plaines; elle mettrait en jeu les forces motrices qui coulent sans emploi vers la mer. L’exemption de droits d’entrée, étendue à tous les produits de la fabrication indigène aussi bien que de l’industrie européenne, protégerait les Maures des villes, dont un grand nombre pratique les métiers manuels d’un travail délicat, contre la profonde misère où les a plongés le renchérissement de tous les objets de consommation, conséquence inévitable de l’arrivée d’une population nouvelle. Les navires étrangers qui viennent dans les ports algériens, et qui repartent sur lest pour la plupart, trouveraient des élémens de retour dans des approvisionnemens plus abondans, plus variés et moins chers. Ces relations ont déjà de l’importance, et l’avenir leur réserve bien des progrès, pour peu qu’on les favorise en multipliant les moyens d’échange. A l’Espagne l’Algérie demande des vins, de la sparterie, à l’Angleterre de la houille, à la Suède des fers, à la Norvège et à l’Autriche des bois de construction, à la Sardaigne du riz et des tabacs en feuilles, à la Toscane des denrées alimentaires et des matériaux de construction, aux états barbaresques des laines, des huiles, des tissus fins où l’or, l’argent et la soie s’entre-croisent,