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des peaux préparées et ouvrées, etc. La balance du commerce entre ces divers pays et l’Algérie accuse une grande inégalité; tandis qu’ils y ont importé en 1857 pour 27 millions de marchandises, ils n’en ont exporté que pour 8 millions! La production locale n’a pu leur fournir des cargaisons de retour: elle a donc besoin de l’excitation que donne un débouché vaste, certain et entièrement libre, tel que celui de la France.

Pour les états barbaresques du Maroc, de Tunis et de Tripoli, au milieu desquels l’Algérie est géographiquement enclavée, nous souhaiterions une entière liberté d’échange, quant aux produits de leur cru, directement avec l’Algérie, indirectement et par la voie de l’Algérie avec la France. Aucune industrie française n’aurait à les frapper de suspicion comme similaires concurrens, tandis que cette libre introduction étendrait au loin dans l’intérieur de ces pays notre influence et nos relations. Les caravanes que la guerre a détournées de nos postes du sud et du littoral en reprendraient la route, et nous remettraient en communication avec le Soudan à travers les oasis du désert.

Distraits par nos affaires d’Europe, nous donnons peu d’attention aux progrès incessans de l’Angleterre dans des contrées qui semblaient réservées à notre influence. Il y a deux ans, cette puissance a conclu avec l’empereur Abd-er-Rahman un traité qui ouvre au commerce britannique l’intérieur du Maroc. En ce moment, ses négocians sollicitent à Tunis le privilège d’une banque anglo-tunisienne. Depuis longtemps, l’Angleterre a des consuls à R’damés dans la Tripolitide, à Morzouk dans le Fezzan. Elle avance pas à pas vers l’oasis de Touat, où aboutissent toutes les communications de l’Afrique du nord avec l’Afrique centrale. Devançons-la en y établissant un résident français pour y montrer notre drapeau et diriger les caravanes vers le Sahara algérien. Mettons aussi à profit, pour créer ailleurs des consulats, les reconnaissances faites par deux officiers français, en 1856 celle de Biskara à R’damès par le capitaine de Bonnemain, en 1858 celle de Laghouat à R’ât par le lieutenant Boudarba. Une première caravane qui l’an dernier est venue de R’ât à Laghouat paraît avoir été fort satisfaite de ses opérations. Il faudrait aussi rechercher pourquoi les Touaregs, qui avaient précédemment envoyé au gouverneur-général des députés chargés des propositions les plus amicales, n’ont plus reparu.

Par ce rayonnement dans toutes les directions s’étendra le commerce de l’Algérie, lequel a pris des proportions qui eussent paru fabuleuses il y a vingt ans. En valeurs officielles, il a atteint en 1857 le chiffre de 188 millions, importations et exportations comprises tant avec la France qu’avec l’étranger; l’année précédente, c’était