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était le grenier de l’Italie. Les incendies périodiques des Arabes, la dent de leurs bestiaux, ont dévasté sa richesse forestière, et une climature moins humide, accompagnée de fréquentes et désastreuses sécheresses, en a été la conséquence. L’organisation d’un service spécial de surveillance n’arrêtera pas la destruction, que peuvent seules conjurer des mesures radicales souvent indiquées, et toujours en vain : d’une part, l’interdiction absolue, sous des sanctions pénales sévères, des incendies comme moyen de défrichement; de l’autre, défense pareille du pacage des bestiaux sur toute la zone supérieure des montagnes. Sous un soleil qui donne à la sève une merveilleuse vigueur, la nature, rendue à sa propre action, aurait bientôt réparé des désordres séculaires. Des régimens de planteurs militaires lui viendraient efficacement en aide; ce serait, on l’a vu, une des plus heureuses applications de l’armée aux travaux publics. Trop faiblement organisées, les trois compagnies actuelles n’exercent qu’une action imperceptible, et encore est-elle amoindrie par leur emploi abusif au greffage des oliviers, qui est du ressort exclusif de l’industrie privée.

Les puits artésiens appartiennent à la série des travaux publics auxquels l’état a mis la main. Si quelques essais dirigés par les ingénieurs dans le Tell n’ont pas amené l’eau jaillissante, on a été plus heureux dans le Sahara, où le problème, il faut le dire, était résolu depuis des siècles par l’industrie grossière des habitans, et ne demandait que des procédés plus puissans de forage. Ici l’état, dans la personne de ses généraux et de ses soldats, et l’industrie privée, représentée par ses ingénieurs, ont fait une heureuse alliance avec les municipalités ou djemmâ indigènes, qui ont payé la dépense. M. Le général Desvaux, commandant supérieur de Batna, a pu inaugurer, au sein d’oasis envahies par le sable, des rivières jaillissantes qui les ont rendues à la vie. La grandeur et l’évidence des bienfaits, les transports d’enthousiasme des populations, leurs émotions reconnaissantes, leur exactitude empressée à payer l’impôt, le prestige que de telles merveilles attachent au nom de la France, tous ces signes éclatans de la joie des âmes et de la satisfaction des intérêts ont montré une fois de plus combien les travaux d’utilité publique consolident les succès de la guerre, et, mieux que les armes, domptent les cœurs.

La télégraphie électrique jalonne en tous sens l’Algérie de ses poteaux, respectés par les Arabes comme les signes sacrés de quelque sortilège : elle relie les deux rives de la Méditerranée par un câble sous-marin dont la pose fut saluée par des acclamations qui ne se sont pas soutenues après le service organisé. Il faut bien le dire, ce service présente des irrégularités et des retards contre lesquels l’intérêt général proteste avec force. Aussi la province du centre