Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nom avec le plus d’autorité aux questions de travaux publics en Algérie, M. Le général de Chabaud-Latour, commandant supérieur du génie, n’évaluait pas, il y a quelques années, à moins de 300 millions le coût des travaux que l’état avait à exécuter, sans parler des voies ferrées, et il concluait à un emprunt national de cette somme. Un tel vœu ayant peu de chances d’être entendu, et la colonie ne pouvant compter que sur les ressources, toujours insuffisantes, du budget ordinaire, l’Algérie devra appuyer toute demande tendant à confier aux capitaux privés les travaux qui dépassent les crédits habituellement disponibles aux mains de l’état.

Les chemins de fer exécutés par les compagnies peuvent seuls inaugurer l’ère nouvelle toujours promise à l’Algérie, et qui toujours recule comme un décevant mirage. Si les services matériels d’une circulation rapide étaient les seuls à attendre d’une viabilité perfectionnée, peu importerait qu’elle vînt des compagnies ou de l’état; mais comme le mal chronique et profond de l’Algérie depuis trente ans est l’absorption des forces individuelles par l’état, tout ce qui augmente ce monopole aggrave une situation calamiteuse, tout ce qui donne carrière à la puissance créatrice des individus est un principe de salut. A cet affranchissement aideront les compagnies en suscitant une multitude d’entreprises secondaires pour l’exécution de leurs marchés et pour la mise en valeur de leurs dotations immobilières. Ces entreprises réveilleront la vie engourdie des municipalités en sollicitant leur concours; les provinces elles-mêmes devront prendre part à l’œuvre commune, car leur prospérité sera solidaire de celle des compagnies. La contagion de l’exemple se communiquant de proche en proche, l’émulation du succès courra dans tous les rangs, même au sein des tribus, et le niveau de la puissance et de la fortune générale s’élèvera en proportion des efforts. Alors la colonie jouira d’une organisation régulière, qui aura pour base les individus et les familles, pour élémens principaux les agrégations communales, les associations de toute nature, et pour couronnement l’état, éclairant et protégeant par la justice et la sécurité tous les essors personnels. Son prestige y gagnera, car ses hauts fonctionnaires n’en seront que de plus éminens personnages, quoiqu’ils aient à compter, plus que par le passé, avec des intérêts qui seront aussi des puissances.

Parvenue à cette pleine possession de ses facultés, l’Algérie prendra dans la politique et le commerce de la France le rôle brillant que lui promirent de bienveillans horoscopes. Sa forte position sur la Méditerranée, en face de Toulon et de Marseille, pèsera dans le calcul de tous les événemens pacifiques ou guerriers dont cette mer peut devenir le théâtre, et cessera de donner des inquiétudes le jour où le pays pourra nourrir sa population civile et son armée. Sans