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— Qui cela, il? Le fils du marchand de grains?

Signor, no. Que Galetti soit malade ou bien portant, cela ne me touche guère. Ce n’est pas lui que j’aime.

— C’est-à-dire alors que celui que vous aimez habite Florence, et que vous avez des commissions à me donner pour lui?

— Aucune autre que de vous informer, — vos’ signoria me pardonne ! — s’il ne lui est pas arrivé quelque malheur. Lorsqu’il est longtemps sans faire le voyage de Vallombreuse, il ne manque pas, malgré la distance, de venir exprès jusqu’ici. Il faut qu’il soit survenu quelque disgrâce. Je tremble, et je n’ose en parler à personne.

— Est-ce que vos parens n’approuvent pas votre inclination ?

— Hélas ! non. Pepe est pauvre. Ils me voudraient voir épouser le fils de Galetti, qui est riche, lui! Ce n’est pas que Galetti soit déplaisant... — Ces dernières paroles avaient été prononcées à haute voix et précipitamment. Ce fut lentement, à voix basse et avec un accent indicible que la jeune fille ajouta: — Mais j’aime tant Pepe, et il m’aime tant !

— Et qui est cet heureux Pepe?

— C’est le fils de l’un de nos voisins, l’ancien fermier de Torrarsa. Nous jouions toujours ensemble dans notre enfance. Son père est mort il y a bientôt dix ans. Aucun des fils n’étant d’âge à devenir capoccio à sa place, la famille a été obligée de quitter le podere,... une métairie qu’elle exploitait déjà du temps de la république !

— Et que fait à Florence votre amoroso ?

— Il est vetturino. Ah ! si vos’ signoria voyait ses deux jolis chevaux gris et sa calèche rouge! Comme il fait claquer son fouet avec grâce! comme il conduit avec furia ! — En même temps son regard s’illuminait de fierté. — Malheureusement, reprit-elle en changeant d’expression et avec un air de tristesse, tout cela n’est pas à lui!

— Il n’est que serviteur à gages?

— Hélas! oui: mais il économise pour acheter des chevaux et une voiture : alors il pourra gagner beaucoup d’argent, et mes parens consentiront à notre mariage.

— De sorte qu’il s’agit simplement aujourd’hui de vous donner de ses nouvelles?

— Ah ! caro signore, je vous en serais éternellement reconnais- sante. Je n’oublierais jamais vos’ signoria dans mes prières.

— Près de qui m’informer?

— Oh! si vos’ signoria le rencontre, elle le reconnaîtra tout de suite. Le plus beau vetturino de Florence, c’est lui.

— Je n’en doute pas, repris-je en souriant. Son nom me serait