Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 21.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre globe peut s’appliquer dans ses linéamens généraux aux autres corps planétaires. La nébuleuse doit toujours avoir été leur point de départ, et puisque toutes les planètes circulent autour du soleil, elles ont dû appartenir à un immense amas de nébulosités au centre duquel est aujourd’hui placé le soleil. Telle est l’idée de Laplace[1]. Selon cet illustre géomètre, tout le système solaire ne formait, dans le principe, qu’une seule nébuleuse douée d’un mouvement de rotation autour d’une ligne passant par son centre et s’étendant jusqu’à l’orbite de la planète la plus éloignée, et même au-delà. Il était arrivé, pour cette nébuleuse génératrice, ce qui advint plus tard pour la terre. Par suite d’un refroidissement progressif, des portions de plus en plus grandes de la nébuleuse se sont condensées vers le centre, de manière à former un noyau dont la masse s’est graduellement accrue. A mesure que le refroidissement amenait la condensation de nouvelles parties de la nébuleuse, les matières ainsi condensées se précipitaient vers le centre, exactement de la même manière que nous voyons tomber par gouttes l’eau qui résulte de la condensation de la vapeur contenue dans notre atmosphère. Cette chute de matière condensée n’a pu se produire sans déterminer un accroissement de vitesse dans la rotation de la nébuleuse autour de son axe.

Un corps qu’on laisse tomber d’un endroit élevé ne tombe pas au pied même de la verticale qui passe par le point d’où le corps a été lancé. En raison du mouvement rotatoire de la terre, la chute se fait un peu à l’est du pied de cette verticale. Ainsi la ligne idéale qui passe par le corps à son départ et par le centre de la terre tourne en réalité plus vite que la verticale même. Plus l’endroit d’où le corps est lancé est élevé, plus la vitesse de cette ligne idéale est sensible. Lors donc que, par suite de la gravitation, les matières condensées tombaient en se dirigeant vers le centre de la nébuleuse, elles devaient prendre autour de son axe un mouvement de rotation plus rapide que celui du reste de la masse. Il s’opérait des frottemens nombreux qui compensaient les grandes inégalités de vitesse. Certaines parties de la nébuleuse accéléraient le mouvement des parties douées de moindre vitesse, et ralentissaient au contraire celui des parties qui tournaient le plus vite. De cette façon, la masse totale de la nébuleuse finit par tourner tout d’une pièce, avec une vitesse angulaire plus grande que celle qu’elle possédait dans le principe, et la condensation des matières gazeuses de cette immense masse s’augmentant à son centre, il en résulta un

  1. Je prends ici pour guide l’excellent exposé qu’a donné du système de Laplace un de nos plus savans géomètres, M. Charles Delaunay, dans son Cours d’Astronomie.