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cumens statistiques excellens, et font encore des expositions annuelles. Ce sont là sans contredit de louables efforts, mais il ne faut point croire qu’il y ait dans le principe d’association qui est la base de ces compagnies une sorte de vertu particulière et intrinsèque qui puisse remplacer le travail personnel : tout est individuel dans le domaine de l’esprit, les grandes découvertes ont toujours été faites par des esprits solitaires. La confusion des opinions, le bruit fatigant des controverses, déplaisent à ces esprits puissans parce qu’ils sont exclusifs, et qui, sortant du domaine des idées convenues, se laissent emporter par la logique d’une pensée inflexible dans quelque région inexplorée. Les sociétés savantes, par leur œuvre de diffusion et de publicité, contribuent indirectement au progrès scientifique ; mais les instrumens immédiats de ce progrès seront toujours des individus que la tournure particulière de leur, génie entraînera au-delà de ce qui occupe la foule. À ces intelligences d’élite rien n’est pourtant plus utile que le contact d’autres intelligences d’une force égale, mais poursuivant des objets différens. Un tel commerce assouplit la pensée, la repose en même temps qu’il l’excite par les contrastes, l’élève en l’arrachant à des préoccupations trop exclusives.

Il n’y a malheureusement en Amérique aucune institution qui soit le refuge naturel des hommes supérieurs exclusivement voués à l’étude et unis, malgré la disparité de leurs travaux, par un lien aussi vague, si l’on veut, mais aussi puissant que celui qui rattache dans chacun de nous les diverses facultés de l’esprit. Les établissemens qui aux États-Unis portent le nom d’institut n’ont absolument rien de commun avec notre Institut français. Le plus fameux est celui qui porte le nom d’institut de Smithson (Smithsonian Institute) ; l’histoire en est des plus curieuses. James Smithson était le fils illégitime de Hughes, duc de Northumberland, et d’Elisabeth, nièce de Charles, duc de Somerset. Il fut élevé à l’université d’Oxford, et toute sa vie fut consacrée à l’étude des sciences. Il songea d’abord à laisser toute sa fortune à la Société royale de Londres ; mais, à la suite d’un différend avec le conseil de cette société, renonçant à sa première pensée, il légua tous ses biens à son neveu, à la condition que, celui-ci mort, sa fortune reviendrait aux États-Unis d’Amérique, afin a qu’il fut créé à Washington, sous le nom d’institut Smithsonien, un établissement pour le progrès et la diffusion des connaissances parmi les hounnes. » Un programme aussi vague mit le gouvernement américain dans un grand embarras, et aujourd’hui encore on ne s’entend pas très bien sur la manière de remplir les intentions du donateur. La fortune de M. Smithson s’élevait à 2,575,000 francs ; cette somme fut convertie en titres qui perdirent