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géodésiques n’ont pu encore pénétrer dans le continent même, dont on ne possède que des cartes très imparfaites. Cela vient de ce qu’il n’entre pas dans les attributions du pouvoir fédéral de faire dresser les cartes des divers états, et qu’il ne doit s’occuper, en vue des besoins de la marine, que des côtes de l’Union. Les entreprises géodésiques qu’il s’agirait de mener à fin sont si considérables que les états particuliers n’ont pas encore songé à les exécuter. Il faut espérer que bientôt le pouvoir fédéral et les états combineront leurs efforts pour faire pénétrer dans le continent lui-même le réseau des opérations trigonométriques, qui jusqu’ici n’ont point dépassé les régions littorales. Lorsque les états auront des cartes géographiques dressées d’après ces grandes opérations, c’est alors seulement qu’ils pourront faire exécuter de bonnes cartes géologiques : faire la géologie d’un pays avant d’en connaître la topographie, comme on l’a essayé dans plusieurs états américains, c’est un véritable non-sens.

J’ai successivement décrit les écoles, les collèges, les sociétés savantes, les institutions qui dépendent de l’état, dans l’Union américaine, et je me suis attaché à faire voir sur quels principes en repose l’organisation. Ce tableau rapide laissera sans doute dans la plupart des esprits une impression favorable à la grande république anglo-saxonne. Il ne me reste plus qu’à l’achever, en le résumant par quelques traits principaux. Que trouvons-nous en Amérique ? Un peuple qui réclame l’éducation, et se montre prêt à s’imposer les plus lourds sacrifices pour l’obtenir. Il a réussi à instituer les meilleures écoles publiques qu’il y ait au monde, et il n’y a aucun doute que les masses reçoivent aux États-Unis une instruction plus complète que dans tout autre pays. Ce qui manque encore à la république américaine, c’est la haute instruction ; elle en possède, à vrai dire, ce qu’on pourrait appeler les cadres, mais ces cadres ne sont qu’incomplètement remplis. Comment s’en étonner ? Où est la classe qui pourrait profiter de cette éducation supérieure ? Pour avancer rapidement dans les carrières cléricale et politique, qui forment aux États-Unis les carrières libérales, il n’est pas besoin aujourd’hui de qualités d’un ordre élevé : un sentimentalisme menteur recouvrant une extrême dureté, une conscience sans scrupules, y sont le plus sûr moyen d’arriver aux rangs élevés de l’église et de l’état. Dans le domaine des beaux-arts et des lettres, les juges délicats ne sont point encore assez nombreux pour imposer leurs exigences aux artistes et aux écrivains. Quand l’Amérique proclama son indépendance, l’esprit puritain et démocratique opéra entre le vieux monde et le nouveau une profonde scission, et la littérature de la république resta longtemps marquée d’une certaine sécheresse et d’une