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coup sûr le moins brillant, mais qui compte le plus de variétés, celui des pierres opaques, dans lequel se rangent les turquoises de vieille et de nouvelle roche, les agates, la malachite, le jaspe sanguin, le lapis, les camées, la cornaline, la marcassite, le jais, etc.[1].

Envisagée dans l’ensemble de ses opérations, la belle industrie des pierres précieuses en France est organisée d’une façon singulière et très complexe. Ainsi deux ou trois intermédiaires séparent le lapidaire de Septmoncel du joaillier parisien. Celui-là ne connaît qu’un commettant fixé dans le pays, dont il reçoit les pierres à tailler, et qui, par opposition à l’ouvrier, s’arroge, mais à tort, le titre de fabricant. Ces agens locaux sont eux-mêmes en rapport avec des négocians résidant à Paris, qui communiquent seuls avec les joailliers. La destination des pierres qu’il taille demeure absolument inconnue à l’ouvrier de Septmoncel ; il les prend brutes, et il les rend façonnées conformément aux indications reçues : voilà sa tâche. Cette besogne exige une grande habitude et une extrême délicatesse de main. Il importe, comme on se le figure sans peine, de n’entamer la pierre que dans la mesure strictement indispensable, afin de ne pas perdre inutilement la matière précieuse. De plus il y a dans certains morceaux des côtés à faire ressortir de préférence aux autres, et souvent des taches à dissimuler adroitement sous les angles des facettes. La moindre inégalité dans le polissage est en outre un défaut capital.

On sait déjà que pour l’exécution de ce travail l’installation du lapidaire jurassien est des plus simples. L’établi en bois dont nous avons parlé est muni de deux roues, l’une en plomb pour tailler les pierres fines, l’autre en cuivre pour les polir[2]. L’ouvrier sept-

  1. L’industrie contemporaine a réussi à imiter presque toutes les pierres précieuses. Elle est même parvenue, dans certains cas, à superposer la pierre fine à la pierre factice par un procédé analogue à celui du placage en orfèvrerie, et qui réussit quelquefois à merveille, par exemple pour les grenats. Ce produit a reçu le nom de doublé. Les fabriques françaises de pierres artificielles qui jouissent d’une grande réputation sont de création assez récente. Cette industrie ne date pas chez nous de plus de trente-cinq ans. On a essayé aussi, ce qui est bien autrement difficile, de fabriquer industriellement un certain nombre de pierres fines, c’est-à-dire d’opérer à l’aide de moyens chimiques le travail même de la nature. L’ancien directeur de la manufacture de Sèvres, M. Ebelmen, avait obtenu des résultats fort curieux.
  2. S’il s’agit de pierres fausses, le polissage s’opère communément sur une roue en étain. Disons que la taille des pierres nécessite l’emploi d’émeri arrosé d’eau, tandis que l’eau seule suffit pour le polissage.