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Sérieusement il faut désirer que l’adhésion des diverses parties de l’Italie à la guerre nationale se puisse faire toujours avec la spontanéité et la douceur qui ont distingué la révolution florentine. Non loin de là, à Parme, quelques heures ont vu, sans plus de malheurs, s’accomplir une restauration après une révolution. Les choses ne s’arrangeront probablement pas aussi facilement dans le duché de Modène, car le gouvernement de ce petit pays, plus engagé dans les liens de l’Autriche, est loin d’avoir montré dans sa politique habituelle la mansuétude qui distinguait les gouvernemens de Toscane et de Parme. Qu’arrivera-t-il à Naples ? L’on dit que le duc de Calabre a blâmé dans une occasion récente la politique de son père. Si la mort du roi est le signal d’un mouvement, du moins il y a dans la famille royale un prince, le prince de Syracuse, qui a donné de vieux gages à la cause libérale, et qui pourra conserver quelque ascendant sur les esprits. Mais le point délicat de l’Italie, aujourd’hui plus que jamais, c’est l’état romain. Le parti de l’indépendance nationale fera un grand acte d’habileté, s’il se contente de recevoir des Légations, de la Romagne et de Rome les libres volontaires que ces pays lui envoient, et s’il s’abstient de troubler la neutralité du saint-père. L’imprudente insurrection du parti révolutionnaire contre le pape en 1848 a été à cette époque l’achoppement de la cause italienne. Des troubles inconsidérés dans les États-Romains risqueraient encore de compromettre l’Italie en soulevant contre elle les intérêts et les passions catholiques. C’est donc aller aujourd’hui non-seulement contre la véritable politique de l’Italie, mais contre la politique nécessaire de la France, que d’irriter, comme vient de le faire un de nos plus jeunes et plus spirituels romanciers, M. Edmond About, la plaie cuisante de Rome. Nous ne reprocherons pas à M. About d’avoir fait un livre qui n’émeut pas, il n’a pas la libre sympathique, et qui n’amuse point, M. About a tenu à être sérieux ; mais nous lui reprocherons d’avoir manqué de tact autant que de mesure. Il a oublié, en écrivant le portrait du cardinal Antonelli, que l’invective ne demeure littéraire que lorsqu’elle sait se contenir, et il a méconnu, en publiant son livre aujourd’hui, les intérêts les plus évidens de l’Italie et de la France dans la crise actuelle.

La question des neutralités se présente sous un jour aussi favorable qu’on pouvait l’espérer. Parmi les neutralités, c’est celle de l’Angleterre qui nous importe le plus. Or l’Angleterre vient de la proclamer à sa façon, par les manifestations populaires dans les élections, par la voix de l’opinion publique dans ses journaux, par l’organe de ses représentans et de ses hommes d’état sur les hustings. La neutralité de l’Angleterre pendant la guerre où la France et l’Autriche sont engagées est le vœu sincère comme la déclaration unanime de la nation anglaise. C’est que, de tous les peuples, le peuple anglais est le seul qui sache se rendre un compte exact, précis, pratique, de ee qu’est la guerre. Les Anglais, quand ils y sont contraints par la nécessité, font la guerre avec plus de vigueur peut-être et de persévérance qu’aucune autre nation ; mais ils en connaissent si bien les souffrances, le prix, et dans trop de cas la stérilité, qu’ils n’auront jamais d’empressement à se jeter dans une guerre générale. — Pour comprendre leurs dispositions, il faut savoir que depuis 1815 toute leur politique intérieure a été une longue enquête, une discussion approfondie et une réforme per-