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lyses satiriques de la comédie, des sombres accidens du drame. Est-ce une révolution dans l’art que l’on tente ainsi d’accomplir? Il est permis de douter qu’en liant dans un seul faisceau la batte d’Arlequin, la verge de Thalie et le poignard de Melpomène, on réussisse à composer un sceptre pour la muse dramatique moderne. Cependant, si même l’on admet comme possible une certaine transformation dans les genres, serait-il pour cela nécessaire de renoncer à l’ancienne division théâtrale, comédie d’une part, de l’autre tragédie ou drame? Une comédie n’est pas forcément une œuvre qui fasse rire, et je ne vois pas ce que Tartufe et le Misanthrope par exemple offrent de si plaisant. On peut aller plus loin et soutenir que la comédie demeure dans ses véritables limites alors même que le développement de la passion et les ressorts d’une action logique veulent qu’on y voie succomber quelque personnage sous le poids des influences morales. La comédie serait donc l’étude infinie des sentimens et des caractères mis en contact avec les faits de la vie commune. Le drame, qui sacrifie les personnes aux événemens, serait contenu dans le cercle bientôt parcouru des aventures et des combinaisons toutes matérielles d’accidens uniquement destinés à surprendre.

Quelle place dans cette classification assigner à la nouvelle pièce de M. Mario Uchard? Elle appartient à un genre factice qu’il n’est pas très facile de définir. Cette obscurité provient peut-être autant des réelles qualités de l’auteur que de certains défauts qui sautent aux yeux tout d’abord. Les œuvres de M. Uchard témoignent jusqu’à présent d’un véritable tempérament dramatique, mais c’est à ce tempérament même, encore à l’état d’instinct, que l’auteur de la Seconde Jeunesse doit sans doute de rechercher les procédés artificiels au détriment de la simplicité et de la vérité, qui forment pourtant la base de ses conceptions. Il est rare qu’une balance exacte s’établisse entre deux tendances aussi opposées, et c’est la prédominance un peu fortuite de l’une ou de l’autre qui a fait tantôt accueillir avec faveur la Fiammina, tantôt repousser le Retour du Mari. La Seconde Jeunesse est une œuvre très défectueuse, et pourtant c’est une œuvre vivante; les situations en sont vraies et frappantes, et pourtant elles ne sont qu’indiquées : en un mot, la pièce est bien distribuée, mais elle n’est pas faite. A quoi cela tient-il? Devons-nous en chercher la raison dans les obstacles qui ont pu être apportés aux modifications jugées nécessaires par l’auteur? On peut et on doit sans doute tenir compte de ces empêchemens, puisqu’ils ont reçu en quelque sorte une publicité officielle; mais il est aussi permis de penser que, tout en améliorant l’œuvre, certaines coupures et certains développemens nouveaux n’eussent pas modifié ce que la représentation met suffisamment en lumière, à savoir l’esprit du drame et le plan dans lequel il a été conçu.

Le sujet de la Seconde Jeunesse est vrai, il est puisé tout entier dans nos mœurs. M. de Lirmay, un homme du monde, un de ces agréables compagnons que nous coudoyons tous les jours, sans grandes vertus ni grands vices, se prend à cinquante ans d’une de ces passions violentes dont l’individu peut quelquefois s’enorgueillir, parce qu’elles font surgir en lui des facultés qu’il ne se connaissait pas et qu’elles lui révèlent des jouissances ignorées, mais que la société a le droit de condamner lorsqu’elles ne peu-