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dans les tableaux de grande dimension, dans la Jeune Mère, souvenir de Picinesca, par exemple. Aussi préférons-nous à cette composition, où l’élégance est comme délayée, des toiles plus petites, celle entre autres qui représente des Femmes de Mola di Gaëta. Ici du moins, la pâleur du ton, l’inconsistance du modelé et du dessin, semblent des imperfections plus pardonnables, bien qu’une scène de ce genre doive intéresser surtout par un caractère évident de vérité, et qu’il soit assez étrange de voir réduites à peu près à l’état d’apparitions des figures dont on peut en Italie coudoyer les modèles. Que M. de Gurzon y prenne garde : il ne suffit pas de faire preuve de goût dans le choix des lignes et des ajustemens, il ne suffit pas d’indiquer subtilement l’expression et la forme, et d’établir une harmonie générale en décolorant chaque objet, en supprimant presque la valeur relative de chaque ton. On peut, en procédant ainsi, plaire quelque temps au regard, mais on arrive bientôt à le lasser. On s’use soi-même et l’on s’anéantit dans la pratique de cette méthode débile. L’exemple de M. Hamon, qui, après avoir peint le joli tableau Ma Sœur n’y est pas, en est venu si vite à produire des œuvres aussi fâcheuses que l’Amour en visite, — cet exemple doit donner à réfléchir à M. de Gurzon et à quiconque serait tenté d’ériger en système esthétique l’exiguïté de l’idée, l’amoindrissement de la forme et la négation de la couleur.

Le scepticisme, qui de nos jours nuit au développement de tant de talens bien nés, n’est nulle part plus apparent que dans les ouvrages de M. Baudry. En quelques années, ce jeune artiste a eu le temps de gagner le prix de Rome en satisfaisant aux exigences académiques, de peindre un grand tableau dans le goût des artistes de l’extrême décadence italienne, une autre toile à l’imitation d’un tableau de Titien, d’autres enfin, — et ce sont celles-là qu’il a envoyées au Salon, — reproduisant le style des peintres français du XVIIIe siècle, compliqué des ruses de métier, des procédés d’outil mis à la mode par certains peintres de genre contemporains. Nous attendrons, pour avoir une opinion sur le talent de M. Baudry, que ce talent consente à se produire sous des formes personnelles. Aujourd’hui nous ne pouvons que mentionner les témoignages les plus récens de ses hésitations et de ses erreurs, une Madeleine pénitente, la Toilette de Vénus, plusieurs portraits, et quelque chose de moins qu’une ébauche, le commencement d’une étude d’enfant, renouvelée d’ailleurs de Velasquez et intitulée Guillemette.

Si, au lieu de suivre, dans cette revue du Salon, la marche que semblait prescrire la nature des sujets traités, nous n’avions tenu compte que du mérite même des travaux, il nous aurait fallu citer en première ligne les tableaux peints par M. Breton, — le Rappel des Glaneuses, la Plantation d’un Calvaire et le Lundi, — car ces