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partis dans toutes les directions, y ramenèrent bientôt les vassaux du zemindar, convoqués pour sa défense. Il eut en quelques heures autour de lui près d’un millier de paysans bien armés. On avait appris qu’un fort détachement d’insurgés avaient traversé le Gange et se dirigeaient vers Dhurumpore, attirés par le bruit, dénué de tout fondement, que le collecteur de Futtehghur y avait transporté une forte partie des fonds confiés à sa garde. Hurdeo-Buksh savait pertinemment à quoi s’en tenir sur ce point, mais il insistait cependant auprès de ses protégés pour qu’ils s’éloignassent sans retard ; il voulait, si les insurgés venaient chez lui, pouvoir leur prouver, en leur laissant visiter la forteresse, qu’elle ne recelait ni trésors ni trésoriers. Du reste, il assurait M. Probyn et M. Edwards qu’ils trouveraient un abri sûr à trois milles de Dhurumpore, dans un petit village situé derrière la rivière Ramgunga. Des parens à lui les y recevraient sur sa recommandation. M. Probyn préférait rester et combattre au besoin les révoltés ; mais M. Edwards vit qu’il fallait de toute nécessité céder au vœu de leur unique protecteur. « J’allai donc à lui, dit-il, et, me saisissant de sa main droite, je lui déclarai que nous partirions à l’heure même, s’il se portait garant de notre salut sur son honneur de Rajpoute. Il le fit sans hésiter, et avec l’accent le plus cordial. — Mon sang coulera (telles furent ses propres paroles) avant qu’on ne touche à un cheveu de vos têtes ! Si je ne suis plus là, naturellement mon pouvoir, mort avec moi, ne vous servira de rien, et vous n’aurez plus à compter que sur vous-mêmes. — Je savais depuis longtemps que, lorsqu’un chef rajpoute a une fois donné sa main droite et engagé son honneur, on peut pleinement se fier à sa parole. Je persuadai donc à M. Probyn et à sa femme qu’il fallait, sans perdre de temps, nous conformer au désir de Hurdeo-Buksh. »

Les fugitifs partirent à pied, n’emportant avec eux que quelques objets de literie et des vêtemens de rechange pour les quatre enfans de mistress Probyn. Cette courageuse mère avait l’un d’eux dans ses bras ; M. Edwards s’était chargé du plus jeune, Wuzeer-Singh et le domestique de M. Probyn, des deux autres. M. Probyn enfin portait trois fusils sur quatre, et les munitions nécessaires à ce petit arsenal. Arrivés ainsi, après un mille de marche, sur les bords de la Ramgunga, ils y attendirent longtemps un bateau, et ne traversèrent cette rivière que vers minuit. Deux milles plus loin, ils atteignirent le petit village de Kussowrah, où ils étaient attendus par les thakoors de l’endroit, propres oncles de Hurdeo-Buksh, mais d’un rang inférieur à cause de leur naissance illégitime. Ces nouveaux hôtes, les guidant à travers plusieurs enceintes successives, les conduisirent dans un enclos intérieur où parquaient, parmi quelques chèvres, une jument et son poulain. C’étaient là les quartiers