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— Mais il était ici dans la journée ? reprit M. Lamberti.

— Certainement, répondirent à l’envi tous les paysans, heureux de pouvoir confirmer une proposition émanant d’un aussi grand personnage.

M. Stella a-t-il l’habitude de partir ainsi à l’improviste, et sans prévenir aucun de vous ?

Les paysans hésitaient, ne sachant trop quelle réponse serait la plus agréable à M. Lamberti, lorsque celui-là même qui avait déjà porté la parole, paraissant prendre goût à la scène et au rôle qu’il y jouait, s’empressa d’ajouter : — Oh ! le signor Stella ne fait rien comme tout le monde ; il passera des mois sans s’éloigner de ses champs, puis, si l’idée lui en vient, le voilà parti sans faire de paquets, sans dire adieu à personne, et sans savoir lui-même quand il reviendra !

— Mais, poursuivit M. Lamberti, votre maître se fait sans doute accompagner par un de ses domestiques ?

— Certainement, excellence, certainement.

— Et pouvez-vous comprendre quel motif l’a décidé cette fois à partir seul ?

Nouvel embarras, nouveau silence. Pietro observa que son père l’avait chargé en partant de plusieurs travaux pour lesquels tous les ouvriers de la ferme étaient nécessaires ; il ajouta que, s’étant fait accompagner par un de ses fils, M. Stella n’avait pas eu besoin de domestique. M. Lamberti voulut alors savoir où le fermier était allé, et quand on attendait son retour. — Il est allé à Vigevano, répondit Pietro. Nous l’attendons demain ou après ; cela dépendra des affaires et du marché.

Ce premier interrogatoire terminé, M. Lamberti pria les membres de la famille de passer dans une autre pièce, et de le laisser seul avec les paysans. Quelques agens suivirent Mme Stella et ses enfans, et ne les perdirent pas de vue un seul instant. Demeuré seul avec les paysans, M. Lamberti leur parla avec une certaine franchise qui flatta infiniment leur amour-propre. — Je suis venu ici, leur dit-il, parce que j’ai de bonnes raisons de croire que les fils rebelles de M. Stella y sont cachés, ou du moins qu’ils y ont été jusqu’à ce jour. — Les paysans stupéfaits se rappelèrent aussitôt mille circonstances qui leur avaient échappé jusque-là, et ils ne doutèrent pas que M. Lamberti n’eût deviné juste. Leurs exclamations et leurs mots sans suite prouvèrent clairement à M. Lamberti que ces gens ignoraient tout ; mais il n’en continua pas moins son interrogatoire, espérant tirer profit des circonstances dont ils se souviendraient. — Je suis très convaincu, ajouta-t-il, que vous êtes tous innocens de ce qui s’est fait ici, et bien vous en prend,