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est inévitable et permanente. C’est la fatalité des traités de créer souvent de ces contradictions violentes entre la nature des choses et le droit public. Il y a douze ans que Rossi écrivait de Rome, où il représentait la France : « A moins qu’on ne prétende exterminer l’Italie et en faire une terre d’ilotes, il faut bien se résigner à ce qu’un avenir plus ou moins lointain révèle ce qui est dans son sein. » Prise dans ces termes comme un grand fait moral, comme l’expression d’un travail traditionnel d’indépendance, la question italienne a pu attirer la sympathique attention, éveiller même les craintes de l’Europe, sans devenir une cause immédiate de collision. On pouvait la recommander au temps et se taire. Il vient cependant une heure où de semblables questions prennent une forme plus tranchée et plus vive, deviennent pour ainsi dire plus criantes, et se font jour dans le domaine pratique en s’imposant forcément. C’est ce qui est arrivé depuis six mois et plus, et alors on a vu se former cette génération de faits d’où la guerre est sortie, non comme une fantaisie d’imagination, mais comme la fatalité d’une situation poussée à bout. Ainsi, dans ce qu’ils ont de général, les événemens qui se déroulent ont sans doute pour première et supérieure origine les éternelles aspirations d’indépendance de l’Italie ; dans ce qu’ils ont d’immédiat et d’essentiellement politique, ils se rattachent à des circonstances qu’on peut fixer, qui ont leur moralité et leur importance au point de vue de la nature de cette guerre et de ses rapports avec tous les intérêts de L’Europe.

Qu’on se représente un instant le point où en étaient les affaires d’Italie dans la seconde moitié de l’année dernière. La situation de l’Autriche au-delà des Alpes pouvait se caractériser par trois ordres de faits : par sa politique générale dans la péninsule, par ses relations troublées avec le Piémont, par son administration particulière en Lombardie. On sait aujourd’hui ce qu’a été la politique de la cour de Vienne en Italie pendant plus de quarante ans. Depuis 1815, l’Autriche n’a cessé un moment de chercher à envelopper et à dominer la péninsule par des interventions, par des occupations militaires, par des alliances constituant à son profit une véritable suprématie. L’Autriche était mue sans doute par un sentiment de conservation propre qui la portait à interdire partout ce qu’elle ne pouvait tolérer chez elle ; mais, pour arriver à ce but, elle dépassait singulièrement le droit public en mettant des états vassaux et subordonnés là où les traités avaient mis des états indépendans, et elle créait dans l’ordre européen une irrégularité qui ne pouvait manquer d’éclater un jour ou l’autre. Un seul état italien, le Piémont, échappait, par ses traditions autant que par ses institutions nouvelles, à ce réseau d’influences tendu par la puissance impériale,