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de la sûreté européenne ? C’est la politique et l’habileté de l’Autriche, on le sait, de se représenter comme la gardienne de l’ordre conservateur des sociétés, d’affecter sans cesse d’identifier avec ses intérêts toutes les causes dignes de respect, la paix intérieure, la sécurité des gouvernemens, l’intégrité de la puissance religieuse, de confondre sous ce même nom de révolutionnaires ceux qui nourrissent les sentimens les plus légitimes d’indépendance et les factieux qui portent partout leurs humeurs perturbatrices. Cette tactique a prodigieusement réussi pendant quarante ans ; elle a aidé l’Autriche à établir sa prédominance et à retenir le développement de l’Italie dans les limites de ses propres intérêts ou de ce qu’elle considérait ainsi. Elle a échoué aussi, car elle a fini par créer une situation criante, où cette apparence d’ordre, qui était le prix de la dépendance, cachait réellement des troubles profonds, et alors on a vu qu’une libérale indépendance et la révolution pouvaient être des choses très distinctes. Bien mieux, on a pu reconnaître que l’Autriche était la plus intéressée à voir le fantôme révolutionnaire intervenir sans cesse dans les affaires d’Italie, tandis que la cause italienne elle-même au contraire était périodiquement compromise, de telle sorte que l’indépendance voit s’accroître ses chances de succès dans la même mesure où elle s’épure, se simplifie et se dégage de toute vue de bouleversement.

C’est le trait de lumière de la situation. Pour la cause italienne, la révolution n’est pas l’alliée, elle est l’ennemie à combattre comme l’Autriche. Les Italiens l’ont bien senti ; aussi, depuis qu’il s’est trouvé un état qui a pris la tête du mouvement national, les révolutionnaires ont vu notablement diminuer leur prestige et leur crédit. Tout indique d’ailleurs le caractère nouveau de ce mouvement : la prédominance de l’idée d’indépendance sur les utopies des sectes, l’intention arrêtée de ne point laisser cette grande entreprise s’égarer dans des diversions qui permettraient à l’Autriche de se montrer sous les couleurs d’une puissance essentiellement conservatrice. Que voit-on en effet jusqu’ici ? Les populations s’émeuvent, elles s’enrôlent, mais elles ne se révoltent pas, et s’il en était qui ne pussent pas se retenir d’elles-mêmes, il faudrait les aider à avoir ce bon sens. À Rome, le souverain pontife a pu librement proclamer sa neutralité, et la présence de nos soldats est, nous le pensons, la garantie de la sûreté du domaine temporel de l’église. À Naples, un nouveau roi monte au trône en ce moment. Le successeur de Ferdinand Il est sans doute entouré, à son avènement, de difficultés qui ne naissent pas toutes des circonstances actuelles. Sans pressentir exactement encore ce que sera la politique du nouveau roi, on peut du moins remarquer que, fils d’une princesse de Savoie, première femme de Ferdinand II, il est lié par le sang au souverain