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où il s’était présenté, les garnisons intimidées s’étaient rendues presque sans coup férir, et nul petit commandant n’avait eu l’idée de résister à M. le Prince ; mais il n’en pouvait plus être ainsi lorsqu’un général tel que d’Harcourt parut en Guienne avec une armée aussi imposante par la qualité que par le nombre. Les succès devinrent bien autrement difficiles, et peu à peu ils furent mêlés de revers. Il était impossible à Condé de songer à aucune de ses manœuvres accoutumées avec les troupes qu’il avait entre les mains. À la guerre, on peut suppléer au nombre à force d’art et d’audace, mais il faut être sûr de ses soldats. Où Condé n’était pas, rien ne réussissait, et lui-même, en risquant tous les jours sa vie, ne parvenait guère qu’à diminuer les défaites, et plus d’une fois il lui fallut partager la fuite des siens. Au commencement de la campagne, il n’avait pu prendre Cognac, parce qu’il ne l’avait pas assiégée en personne, et s’en était reposé sur La Rochefoucauld et sur le prince de Tarente, qui, manquant de tout ce qui était nécessaire pour une opération pareille et ayant pris d’assez mauvaises dispositions, laissèrent d’Harcourt secourir la place, en sorte que Condé, accouru de Bordeaux en toute hâte, arriva pour assister à la levée du siège[1]. De même, dans les premiers jours de mars 1652, il perdit Saintes, la clef de la Saintonge, pour avoir remis au prince de Tarente le soin de couvrir cette ville et de couper le chemin à d’Harcourt. Les troupes du prince de Tarente lâchèrent pied honteusement. Il était au moins permis d’espérer qu’une garnison de quatorze cents hommes, commandée par un maréchal de camp estimé, se piquerait d’honneur et tiendrait un certain temps : elle capitula au bout de quelques j ours[2]. Taillebourg suivit bientôt l’exemple de Saintes. L’affaire de Miradoux est l’image de toutes les autres, et montre comment les choses se passaient dans cette petite guerre.

Condé avait appris à Libourne, à la fin de février 1652, que le prince de Conti, sorti d’Agen pour s’emparer de quelques villes du voisinage, était vivement pressé par le marquis de Saint-Luc, un des lieutenans du comte d’Harcourt, qui commandait à Montauban, et s’était avancé à Lectoure et à Miradoux avec des troupes bien meilleures et plus nombreuses que celles du jeune prince. À cette nouvelle, Condé part de Libourne, n’emmenant avec lui que La Rochefoucauld, ses gendarmes et ses gardes, et avec sa rapidité ordinaire il vole au secours de son frère. Il le trouve à Estafort, rassemblant sa petite armée pour faire face à Saint-Luc. Il la lui prend, et, reconnaissant que Saint-Luc, qui ne l’attend pas, a

  1. La Rochefoucauld, ibid., p. 104 et 105, Tarente, p. 76.
  2. Tarente, p. 94, Balthazar, p. 310-311.