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pas ici de religion, et que les protestans seraient tout aussi bien traités que les catholiques, s’ils servaient loyalement. En Saintonge, l’héritier des La Trémoille, le prince de Tarente, ne put pas même sauver Taillebourg, et n’apporta d’autre force à Condé que celle d’une épée vaillante et fidèle. Lui-même, à l’affaire de Miradoux, poursuivant la cavalerie de Saint-Luc vers Lectoure et Montauban, avait envoyé à cette dernière ville un trompette qui, après avoir rappelé aux habitans les services que les premiers Condé avaient rendus aux protestans de France, annonça que le prince désirait avec passion leur faire du bien, à eux et à tous ceux de leur religion, qu’il les protégerait toujours, et aurait soin de maintenir leurs privilèges et leurs libertés, s’ils voulaient embrasser son parti. Ces offres furent rejetées d’un commun consentement, et les milices de Montauban allèrent elles-mêmes reprendre la petite ville de Moissac et la remettre sous l’autorité légitime. Mazarin ne manqua pas de remercier le consistoire et les protestans de Montauban de cette marque éclatante de fidélité ; il les en récompensa en leur permettant de relever les fortifications de leur ville, autrefois détruites par Richelieu, et, pour gagner de plus en plus la confiance de tous les sujets du roi qui appartenaient à la religion réformée, il fit paraître, le 21 mai 1652, une déclaration admirable qui confirmait tous les anciens édits de pacification[1]. La levée de boucliers des protestans de Guienne n’eut donc pas grand écho dans le midi, excepté peut-être dans quelque coin des Cévennes, et la petite cabale huguenote et républicaine sortie des bas-fonds de l’Ormée, fomentée et soutenue par les agens de l’Angleterre, ne servit à Bordeaux qu’à augmenter le désordre, à inquiéter les consciences, à irriter l’autorité ecclésiastique, et à faire des principaux couvens autant de foyers de conspirations sans cesse renaissantes en faveur de la royauté.

Nous qui savons aujourd’hui, sur de nombreux et irrécusables témoignages, à quel point l’intelligente administration de Richelieu

  1. Il est étrange que ce fait important ne se trouve nulle part ailleurs que dans l’Histoire de Condé par Coste ; mais la déclaration royale certifie le fait qui lui a donné naissance. Elle est si belle et si peu connue, que nous en détacherons quelques parties. «… Le feu roi, ayant reconnu qu’une des choses les plus nécessaires pour conserver la paix en ce royaume consistoit à maintenir ses sujets de la religion prétendue réformée en la jouissance pleine et entière des édits faits en leur faveur et à les faire jouir de l’exercice libre de leur religion, avoit un soin très particulier d’empêcher par tous moyens convenables, qu’ils ne fussent troublés en la jouissance des libertés, prérogatives et privilèges à eux accordés par lesdits édits… Nous avons voulu faire le semblable, ayant, pour les mêmes motifs et considérations, par notre déclaration du 8 juillet 1643, voulu et ordonné que nosdits sujets de la religion prétendue réformée jouissent de toutes les concessions, privilèges et avantages, spécialement de l’exercice libre et entier de leurdite religion, suivant les édits, déclarations et règlemens faits en leur faveur sur ce sujet. Et d’autant que nosdits sujets de la religion prétendue réformée nous ont donné des preuves certaines de leur affection et fidélité, notamment dans les occasions présentes dont nous demeurons très satisfaits, savoir faisons que nous, pour ces causes et sur la très humble supplication qui nous en a été faite de la part de nosdits sujets faisant profession de ladite religion prétendue réformée, et après avoir fait mettre cette affaire en délibération en notre présence et en notre conseil, nous, de l’avis d’icelui et de notre certaine science et autorité royale, avons dit, déclaré et ordonné, disons, déclarons et ordonnons, voulons et nous plaît que nosdits sujets de la religion prétendue réformée soient maintenus et gardés, comme de fait nous les maintenons et gardons, en la pleine et entière jouissance de l’édit de Nantes, autres édits, déclarations, arrêts, règlemens, arrêts et brevets expédiés en leur faveur, registres ai parlement et chambres de l’édit, notamment en l’exercice libre et public de ladite religion en tous les lieux où a été accordé par iceux, nonobstant toutes lettres et arrêts tant de notre conseil que des cours souveraines ou autres jugemens à ce contraires, voulant que les contrevenans à nosdits édits soient punis et châtiés comme perturbateurs du repos public. »