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sur les îles désertes de l’Océan-Pacifique ou dans les îlots de la Mer-Caspienne, est un véritable terrain d’origine purement animale. Les deux divisions du règne organique sont donc comme de vastes laboratoires où se préparent de nouvelles parties de l’écorce terrestre. Le végétal emprunte une portion de ses élémens à l’air, il transforme les matières minérales en matières organiques ; l’animal rend les siens à la terre, il décompose les matières organiques en matières minérales. Presque toutes les molécules qui séjournent sur la surface terrestre ont, depuis l’apparition de la vie, passé et repassé des milliers de fois par des organismes qui se les sont temporairement assimilés. Ces métamorphoses successives ont presque toujours été opérées au détriment de l’atmosphère, et la partie solidifiée, ou du moins rendue au sol, s’est lentement accrue. Les terrains s’exhaussent, les étangs se dessèchent, les estuaires s’envasent, et le fond des rivières s’élève.

Ce travail, qui se passe tous les jours sous nos yeux, date déjà de plusieurs myriades d’années. Le sol porte en bien des points la trace de son origine organique. La fossilisation est un phénomène qui s’est accompli sur la plus vaste échelle. Tantôt les corps organisés, après avoir été frappés de mort, se sont incrustés superficiellement, tantôt leur enveloppe osseuse, cornée ou testacée, s’est remplie de substance minérale. D’autres fois, des matières solides ont comme filtré à travers la masse organique. Enfin la structure intérieure des débris organisés se transforme en certains cas ; leurs molécules prennent un nouvel arrangement et perdent conséquemment quelques-unes de leurs propriétés physiques.

La matière organique n’est pas en effet toujours restée abandonnée à la surface du sol, de façon à livrer par la décomposition une grande partie de ses principes à l’air qui l’environne ; elle s’est plus souvent enfouie dans la terre immergée, et alors ses principes constituans ont résisté davantage. Il ne faut pas croire que ce soient seulement les débris des gros animaux ou des végétaux arborescens qui ont travaillé à l’exhaussement du sol, à l’accroissement de l’écorce terrestre ; les plus petits êtres semblent au contraire avoir le plus contribué à la construction graduelle de notre globe. Bon nombre d’animalcules microscopiques ont un corps nu et désarmé ; mais chez beaucoup d’autres le corps est défendu par une coquille pierreuse qui demeure intacte après la décomposition de la substance pulpeuse organique, et comme les générations de ces êtres extrêmement petits se succèdent avec une incroyable rapidité, il en résulte que leurs dépouilles restent accumulées dans le sol, et souvent en quantité si prodigieuse, qu’elles constituent à elles seules d’immenses dépôts.

Le professeur allemand Ehrenberg, en examinant au microscope