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on les voit apparaître. Qu’on examine chaque époque géologique, on remarquera que les conditions climatologiques et géographiques qu’elle dénote sont précisément celles qui conviennent à l’existence des animaux fossiles dont les restes se conservent dans les dépôts contemporains. Si, durant les premières périodes, malgré la variété des espèces, on entrevoit cependant une plus grande uniformité, c’est que le globe ne présentait pas autant d’opposition de climats et de configurations locales. Si beaucoup de genres, quelques-uns des plus élevés, n’avaient point encore fait leur apparition, s’ils se montrent notablement différens des genres actuels, c’est que les conditions biologiques n’étaient pas identiques à celles qui existent aujourd’hui, quoiqu’elles s’en rapprochassent à bien des égards.

Le globe, après la formation des mers, n’offrait encore que de rares continens, ou plutôt des îles semées çà et là au milieu d’un immense océan. La température de l’eau s’étant assez abaissée pour que la vie animale y pût prendre naissance, les premières créations zoologiques se manifestèrent. Dans les profondeurs des mers apparurent des mollusques brachiopodes bryozoaires, classe intermédiaire entre les mollusques proprement dits et les zoophytes, animaux qui vivent dans des cellules calcaires, s’agrégeant à la manière des polypiers. À côté se montrèrent des échinodermes crinoïdes qui se tenaient dans l’eau, la bouche en haut, attendant leur proie, tandis que les autres échinodermes, tels que les oursins et les astéries, vont chercher la leur en rampant sur le sol sous-marin. Des mollusques gastéropodes et lamellibranches, des céphalopodes, fréquentaient les eaux voisines des rivages. Les crustacés trilobites existaient en grand nombre. En rapprochant leurs formes des crustacés vivans, on reconnaît que ces animaux bizarres devaient séjourner loin des côtes ou dans les bas-fonds, nageant sur le dos, sans s’arrêter jamais, puisque leurs pieds ne pouvaient se fixer, et que le mouvement était nécessaire à leur respiration. Ils vivaient en familles nombreuses et constituaient l’une des populations les plus originales de l’océan primitif. Un grand nombre de polypiers ou de zoophytes se propageaient au sein des mêmes mers. Les poissons n’étaient encore représentés que par la famille des cestracionides, au corps allongé, au museau pointu, aux dents aplaties. On n’est point assuré qu’à cette époque, qui correspond à ce que les géologistes appellent terrain silurien inférieur, les terres fussent couvertes d’une végétation. Les débris de plantes découverts dans ce dépôt ne sont pas assez bien conservés pour qu’on distingue entre eux des espèces terrestres ; mais on reconnaît avec certitude de grandes plantes marines, qui flottaient sans doute au sein de l’océan comme nos fucus. On n’a aucune trace de poissons fossiles ayant habité les eaux douces ; ces poissons n’apparaissent que beaucoup