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les rongeurs même, atteignent des proportions et présentent une complexité de structure fort supérieures, pour le second, le troisième et le quatrième étage de la période tertiaire, à celles de ces mêmes familles telles qu’on les connaît aujourd’hui. Dans le troisième étage par exemple, on trouve des espèces tout à fait perdues, de proportions énormes ou gigantesques. Tel est le palœomys, rongeur dont les restes furent trouvés à Eppelsheim, le macrotherium, édenté dont les ossemens ont été découverts par M. Lartet, et qui tenait du pangolin et du paresseux, le dinotherium, animal aux défenses énormes, dont le crâne colossal atteint 1 mètre 10 centimètres. On ne connaît encore qu’un seul échantillon de la tête de ce proboscidien ; mais il suffit pour nous donner une idée de la force que devait avoir la trompe de l’animal. Notons encore, comme mammifères massifs, le taxodon, autre pachyderme, et le lophiodon, animal voisin du tapir, dont on compte de nombreux fossiles, mais qui n’a plus aucun représentant dans l’âge actuel. Le megalherium, le megalonyx, le mylodon, nous prouvent qu’à la quatrième période de l’âge tertiaire, la famille des édentés trouvait des conditions éminemment favorables à son développement. Rien n’est plus bizarre que ces animaux, dont le paresseux du Nouveau-Monde nous a conservé une image affaiblie. Le megalonyx avait les membres antérieurs d’une extraordinaire longueur, et pouvait s’appuyer tant sur sa queue forte et solide que sur ses membres postérieurs plus ramassés. Le mylodon, de proportions moins considérables que le megatheriuin, dont le squelette dépasse 4 mètres en longueur et dont les hanches seules ont 1 mètre 67 centimètres de large, offre cependant encore des proportions relativement très fortes. C’était, comme le megatherium, une sorte de paresseux (bradypus). De même que ce singulier édenté des forêts de l’Amérique méridionale, le mylodon ne pouvait facilement marcher sur un terrain horizontal, et se tenait de préférence sur les arbres, dont il dévorait les feuilles. Les dents plates et usées de cet animal fossile indiquent qu’elles ont broyé des végétaux, et ce qui est remarquable, c’est qu’on retrouve précisément ces édentés tardigrades fossiles dans la même région où vivent encore l’aï et l’unau. Donc pour cette famille, comme pour l’ordre des singes, la distribution géographique n’a guère changé ; les caractères spécifiques seuls se sont modifiés depuis, en s’abâtardissant. On ne peut s’expliquer cette disparition de la majeure partie des grands édentés et des grands pachydermes qu’en admettant que la configuration des lieux avait cessé, par suite des révolutions géologiques, d’être adaptée à leur genre de vie, que les plantes dont ils faisaient leur nourriture avaient été détruites dans les régions où ils se trouvaient fixés.

Des observations analogues à celles que nous fournissent les mammifères