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Népos voyait donc se dessiner pour lui des chances de retour, lorsqu’une trahison domestique y coupa court pour jamais. À l’époque où il était rentré en Dalmatie, fuyant les troupes d’Oreste, il y avait retrouvé son prédécesseur Glycerius, que lui-même avait fait ordonner évêque de Salone. En choisissant ce siège à son rival vaincu, Népos croyait s’assurer un prisonnier ; il se préparait un bourreau. Glycerius l’accueillit dans son malheur avec une joie féroce, qu’il ne chercha point à cacher, jouissant publiquement de ses regrets, et lui rendant toutes les tortures qu’il avait lui-même ressenties. Il s’entendit enfin avec deux de ses officiers, les comtes Ovida et Viator, pour lui tendre un guet-apens et l’assassiner.

Népos une fois mort, Zenon ne songea plus à l’Occident que de loin en loin, sans beaucoup de suite ni d’ardeur ; on dut même croire qu’il avait agréé le gouvernement d’Odoacre, quoiqu’il ne fît que le tolérer. Celui-ci ne négligeait aucun moyen de s’affermir, employant tour à tour la ruse et l’audace, écrasant les résistances au dedans, faisant des alliances au dehors, tout cela à l’insu de son empereur nominal, qui lui tenait lieu d’épouvantail pour écarter des rivaux, ou de prétexte pour colorer ses volontés. La Gaule narbonnaise cependant persistait à lui refuser obéissance, et adressait à l’empereur Zenon appel sur appel ; il la livra aux Visigoths de Toulouse en vertu d’un traité d’alliance qu’il fit avec Euric, de sorte que les Romains ne possédèrent plus un pouce de terre à l’ouest des Alpes. Antérieurement à ce traité, Odoacre en avait passé un autre avec le vieux roi des Vandales, Genséric, qui, plus avare et moins belliqueux à mesure qu’il avançait en âge, rendit la Sicile aux Italiens pour un tribut annuel en argent, sauf la conservation de quelques châteaux forts. Ce fut le dernier acte politique de ce Barbare fameux, qui mourut au mois de janvier 477. Après s’être assuré par ces moyens l’amitié des grandes royautés barbares voisines de l’Italie, Odoacre s’occupa du petit état dalmate, dont le comte Ovida, meurtrier de Népos, s’était fait proclamer roi. La Dalmatie, rendue indépendante par Marcellinus, n’avait point cessé d’être depuis lors un nid de Romains mécontens et un instrument de division sous la main des empereurs orientaux. Odoacre voulut la rattacher définitivement à l’Italie. Il conduisit cette entreprise en personne, battit le comte Ovida, le tua, et Salone, gouvernée par un officier italien, ne fut plus pour Ravenne une menace permanente.

En mime temps les plaies de la guerre civile se cicatrisaient en Italie. De toutes les cités victimes de la dernière lutte, Pavie, saccagée par deux armées successives, présentait le spectacle le plus lamentable. À la place d’une ville, on n’apercevait plus que des monceaux de décombres noircis par le feu, sur lesquels campait l’évêque avec son troupeau décimé. Sans argent et entouré d’un