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former en dehors de l’angle saillant que dessine le Pô entre Pavie, Valence et Frassinetto (près de Casale). L’armée française s’organisait entre Voghera, Tortone, Alexandrie et Plaisance. Les Sardes couvraient le Montferrat entre Valence, Frassinetto, Casale, jusqu’à la Dora Baltea. Quant à l’armée autrichienne, sur sa gauche, depuis Plaisance jusqu’à Valence, elle n’était séparée que par le Pô des avant-postes français ; son centre, depuis Valence jusqu’à Frassinetto, gardait la rive gauche du Pô en face des Piémontais, dont le quartier-général était à San-Salvatore ; sa droite en l’air occupait la plaine depuis la Sesia, près de Palestro, jusqu’à Novare. Le 28 mai au matin, avant que le mouvement ne fût commencé, les alliés occupaient les cantonnemens suivans : le 3e zouaves (5e corps), formant l’extrême droite, était à Bobbio, près de la frontière de Parme, le 1er corps à Voghera, le 2e corps à Tortone, le 3e corps et la garde impériale à Alexandrie, le 4e corps à Valence. L’armée sarde avait une division à San-Salvatore, une autre à Casale, deux divisions au-delà du Pô, sur la rive droite de la Sesia, et une division de réserve un peu en arrière.

Le samedi 28 mai, dans la matinée, deux compagnies du 3e régiment du génie français jetaient à la hâte, et au grand étonnement du public, deux ponts sur le Tanaro, entre Bassignano et Sale, sur la route de Tortone à Valence. Aussitôt, comme si une étincelle électrique eût couru sur toute la ligne, l’armée alliée s’ébranla. Le 4e corps quitta Valence et marcha sur Casale, où se dirigeaient en même temps par le chemin de fer le 3e corps et la garde impériale. Le 2e corps partit de Tortone, et par Bassignano et le pont du Tanaro se porta sur Valence. Le 1er corps demeura cantonné entre Voghera et Tortone, soit pour couvrir Alexandrie, qui restait dégarnie de troupes, soit pour des opérations ultérieures. Ainsi, par un mouvement rapide, l’armée française se portait de la gauche au front de l’armée ennemie, et l’armée sarde, qui venait de lui abandonner ces positions, débouchait par Casale sur la plaine de la Sesia, et allait attaquer l’extrême droite des Autrichiens depuis Palestro jusqu’à Casalino, s’efforçant de la prendre à revers et de lui couper la retraite sur Vigevano.

Ce qui surprend, c’est l’inaction des Autrichiens pendant que le mouvement général de l’armée franco-sarde commençait à s’exécuter. Après l’affaire de Montebello, il était évident que l’armée autrichienne renonçait à prendre l’offensive, et ne songeait qu’à disputer à l’armée alliée l’entrée de la Lombardie. Dans ce système défensif, le général Giulay devait avant tout exercer une active surveillance sur les mouvemens de l’armée alliée, et appuyer cette surveillance de ces intuitions divinatrices qui sont l’inspiration de la guerre. Le général autrichien pouvait être attaqué par nous sur sa gauche, entre Pavie et Plaisance, sur son centre, ou sur sa droite, demeurée en l’air du côté de Novare. L’attaque du centre était la moins probable, car on n’attaque là une armée ennemie que lorsqu’elle s’est affaiblie elle-même sur ce point par ses propres fautes ; l’attaque sur la gauche, entre Pavie et Plaisance, était pour l’armée alliée, ainsi que l’a expliqué le rapport publié par le Moniteur sur la bataille de Magenta, d’une extrême difficulté. L’on abordait là l’ennemi entre deux places fortes, et l’une de ces places, Plaisance, étant de notre côté du Pô, nous aurions été forcés d’en faire le siège avant de tenter le passage d’un fleuve large de près d’un kilo-