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pendant les mois de juillet, d’août et de septembre, il avait été de toutes les conspirations royalistes. Par l’évêque de Glandèves, alors auprès de la reine, il recevait les ordres de la cour et les communiquait à ses amis, et par le même intermédiaire il transmettait à la cour des nouvelles et les avis les meilleurs. Il avait couru bien des dangers sans demander aucune récompense, et tandis que l’évêque de Glandèves passait à l’important évêché d’Amiens, le père Berthod était resté simple cordelier, toujours prêt à se jeter au milieu des entreprises les plus périlleuses pour la cause de la religion et de la royauté, et à rentrer ensuite dans sa cellule. Autrefois il avait été de la province d’Aquitaine, et il avait séjourné trois ou quatre ans à Bordeaux, où il connaissait beaucoup de monde. L’évêque de Glandèves le jugea merveilleusement propre à recommencer à Bordeaux ce qu’il avait fait avec tant de succès à Paris. On lui donna des pleins pouvoirs. Montausier à Angoulême, le duc de Saint-Simon à Blaye, reçurent l’ordre de lui prêter secours et main-forte. Il devait correspondre avec le cabinet par l’intermédiaire du père Faure, comme autrefois dans les affaires de Paris, et on était convenu d’un chiffre de correspondance. Enfin, pour enflammer le zèle du bon père, Servien l’avait présenté à la reine, qui l’avait fort caressé et lui avait donné elle-même ses dernières instructions. Le père Berthod était arrivé à Bordeaux dans les derniers jours de décembre 1652. Il avait été demander l’hospitalité au couvent de son ordre qu’autrefois il avait habité, donnant pour prétexte à ce voyage le désir de rétablir sa santé sous le ciel du midi, et de goûter le repos dont il avait besoin au sein de ses anciennes habitudes.

Le couvent des franciscains ou cordeliers était le plus considérable qui fût alors à Bordeaux. Il avait à sa tête le père Ithier, prédicateur d’une grande autorité. Ayant prêché quelquefois devant le prince de Conti et Mme de Longueville, il leur avait fort agréé; il était même entré dans leur intimité, et par là s’était fait la réputation d’être, ainsi que son couvent, assez favorable au parti des princes. Cependant, à peine arrivé, le père Berthod s’ouvrit immédiatement à son hôte, et lui remit une lettre de la reine. Le père Ithier, qui autrefois avait connu Anne d’Autriche, se rendit sans balancer, et promit tout son concours à l’entreprise hardie et périlleuse qui lui était proposée[1]. Pour mieux cacher son jeu, tandis qu’en secret il s’empressait de s’entendre avec les personnes qui lui avaient été désignées, le père Berthod affecta de se montrer publiquement dans les diverses cérémonies des fêtes de Noël : il officia le jour de saint Etienne à la grand’ messe et à vêpres, afin qu’on

  1. Mémoires du père Berthod, ibid., p. 375.