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nal s’accommoda, et reçut en échange les gouvernemens et toutes les charges de Condé, même une partie de son patrimoine, s’enrichissant ainsi des malheurs et des dépouilles du chef de sa maison. Quelque temps après, il avait le commandement de l’armée de Catalogne. L’abbé de Cosnac, le premier auteur de la défection du prince, était élevé à l’évêché de Valence; Sarasin, qui avait eu la première idée du mariage, recevait une bonne somme d’argent avec le titre de conseiller d’état, un peu grave pour un pareil personnage[1], et Gourville 2,000 écus d’abord, puis autant de pension. Le marquis de Chouppes, l’ami et le complice de Cosnac, passa tout naturellement au service du roi, suivit le prince de Conti en Catalogne et fit une assez brillante carrière[2]. Le marquis de Théobon, qui avait expié sa belle défense de Villeneuve-d’Agen en s’associant à l’entreprise de Filhot, fut traité comme Chouppes. Balthazar, en véritable officier de fortune qui ne trahit personne, mais sert tout le monde suivant les circonstances, se trouvant quitte envers Condé, ne vit pas la moindre difficulté à contracter d’autres engagemens; au moyen d’un bon traité qui lui garantissait ses grades, ses honneurs et ses pensions, il entra dans l’armée de Catalogne, et se battit aussi bien pour le roi qu’il l’avait fait pour la fronde[3].

Le 3 août 1653, les ducs de Candale et de Vendôme entrèrent dans Bordeaux triomphalement. Le drapeau rouge, symbole odieux des fureurs de l’Ormée[4], comme plus tard de celles des jacobins, avait été enlevé du clocher de Saint-Michel et remplacé par le drapeau de la France. Quelques jours auparavant, on avait tiré de leur prison Filhot et le père Ithier. Les ducs, avec le comte d’Estrade et une brillante escorte, allèrent descendre à l’église métropolitaine de Saint-André, où l’on chanta le Te Deum, et le père Ithier prêcha en l’honneur de la paix et du roi. Peu de temps après, il était fait évêque de Glandèves, en même temps que le père Faure passait à l’évêché d’Amiens, et que le père Berthod, aussi désintéressé qu’intrépide, allait finir ses jours dans le petit couvent des cordeliers de Brioude.

L’amnistie promise à Bordeaux fut religieusement observée; mais si Mazarin était trop politique pour ne pas incliner à la clémence à la fin d’une guerre civile, il était aussi trop homme d’état pour pous-

  1. Dans le privilège pour l’impression de ses œuvres, édition originale de 1656, il est qualifié de conseiller d’état.
  2. Il devint lieutenant-général.
  3. Il accompagna le prince de Conti en qualité de lieutenant-général dans la campagne de 1654, Mémoires de Balthazar, ibid., p. 359.
  4. Dom Devienne, p. 473.