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de lord Cowley à Vienne. C’est la période vague encore de la crise, il n’y a que des paroles dans l’air : l’émotion frémissante, mais contenue, des populations italiennes à l’écho que le roi Victor-Emmanuel vient de renvoyer au grido di dolore de l’Italie, les renforts que l’Autriche envoie en Lombardie, les armemens ou représailles de la Sardaigne, l’anxiété de l’opinion publique en Europe ; mais la partie diplomatique n’est pas encore liée. Il n’y a pas, pour parler comme lord Cowley, de question substantielle à la solution de laquelle puisse travailler la diplomatie des puissances désintéressées. Que veut la France ? que veut l’Autriche ? Où les prétentions rivales peuvent-elles se rencontrer ou se combattre ? On l’ignore. C’est pour faire cesser cette obscurité que le gouvernement anglais, n’ayant pu amener une explication directe entre la France et l’Autriche, se décide, dans une intention dont on ne saurait que louer la droiture, à aboucher en quelque sorte les deux puissances par l’intermédiaire de lord Cowley. Voilà la seconde phase. Lord Cowley sait que la France accepterait une négociation sur ces conditions qui sont devenues plus tard les quatre bases formulées par l’Angleterre, et il s’assure à Vienne que l’Autriche ne la refuserait point. La question italienne a maintenant trouvé une formule diplomatique. Il s’agit surtout de la réforme des traités particuliers de l’Autriche avec les duchés, de l’abrogation de cette clause honteuse par laquelle les petits souverains s’assuraient l’appui de l’étranger contre leurs propres sujets, tandis que le cabinet de Vienne se faisait, les yeux fermés, le fauteur obligé des mauvais gouvernemens de l’Italie, quelles que fussent leurs erreurs et leurs fautes. Il s’agit de substituer à la protection de l’ordre par l’Autriche une solidarité et une garantie fédérale entre les petits états. Il s’agit de l’évacuation par les troupes françaises et autrichiennes de Rome et des légations. Ainsi la question italienne a enfin un corps, une substance, et, sous cette forme, lord Cowley et le ministère anglais croient fermement qu’elle peut être heureusement résolue. Mais une troisième phase est tout à coup inaugurée par l’intervention imprévue de la Russie. Le cabinet de Pétersbourg propose un congrès. L’on dit à Pétersbourg que cette initiative est prise sur le désir de la France ; l’on dit à Paris que les Russes la tentent sur le bruit erroné que lord Cowley aurait échoué à Vienne. Quoi qu’il en soit, lord Malmesbury accepte un peu malgré lui le congrès, en définissant les bases sur lesquelles devront porter les délibérations ; mais ici le fond de la question disparaît : deux questions de forme le remplacent dans la controverse. La Russie n’a proposé qu’un congrès des cinq grandes puissances ; l’Autriche n’a accepté le congrès que sous la réserve du désarmement préalable de la Sardaigne. On s’embrouille dans cette procédure. L’Angleterre veut que les états italiens dont les intérêts doivent être discutés au congrès s’y puissent faire représenter. Là se donne carrière le formalisme autrichien. L’Autriche, se fondant sur un ancien protocole, chicane sur cette coopération des petits états italiens, décidés la plupart à ne point paraître au congrès. Un instant la France et la Russie paraissent abandonner la participation des petits états pour ne s’occuper que du désarmement, et le rendre acceptable à la Sardaigne en le généralisant. L’on va tomber d’accord pour désarmer lorsque la question de l’invitation des états italiens au congrès reparaît et est mise