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cupe toujours le centre du bassin, et coule entre les deux chaînes parallèles des Alleghanys et des Rocheuses, tandis que le Missouri descend transversalement à l’inclinaison du bassin. En outre, le Mississipi garde toujours le même caractère; ses bords se ressemblent merveilleusement du lac Itasca à la Balize, sur une longueur de plus de 5,000 kilomètres : savanes ou prairies, forêts de plus ou forêts de cyprès (cupressus disticha), l’horizon reste toujours le même, autant du moins que le permet la différence des latitudes, tandis, que les sombres défilés du Missouri et ses puissantes cataractes, les scories et les laves de ses rives, donnent à ce dernier cours d’eau une physionomie tout à fait distincte. Géologiquement, le Missouri n’est qu’un simple affluent.

Le Mississipi fut découvert par Hernando de Soto pendant l’expédition aventureuse qu’il avait entreprise pour faire la conquête du royaume d’Eldorado et de la fontaine de Jouvence. Hernando ne trouva que la mort dans ce voyage, où la hardiesse touchait au délire, et son cadavre fut jeté par ses compagnons dans les eaux bourbeuses du fleuve sur les bords duquel il avait espéré trouver l’immortalité. Un seul homme resta de cette armée de braves, et put raconter au vice-roi du Mexique les découvertes et les exploits de Soto; mais le gouvernement espagnol voulut se réserver avec un soin jaloux la connaissance du nouveau fleuve, et sut si bien en cacher l’existence aux autres nations, qu’il fut réservé au Français Marquette d’en faire la découverte réelle pour le reste du monde. Ce voyageur, trompé par les fausses idées géographiques du temps, qui faisaient considérer les rivières comme des passages d’une mer à l’autre, crut avoir découvert le chemin des Indes, et se laissa dériver au gré du courant, dans l’espérance d’aborder près de Calicut ou de Goa. Plus tard, Cavelier de La Salle atteignait l’embouchure du Mississipi, et le roi Louis XIV lui assurait les moyens de fonder une colonie dans les nouvelles contrées acquises à sa couronne; mais La Salle, qui était revenu en France annoncer sa découverte, n’eut pas le bonheur de retrouver les bouches du Mississipi, et alla échouer sur les côtes du Texas, où il fut assassiné par ses compagnons. Le nom de fleuve Colbert, qu’il avait donné au grand cours d’eau, ne lui est pas resté, non plus que celui de Meschacébé ou père des fleuves dont M. de Chateaubriand l’a décoré plus tard. Le vrai nom, Missi-Sepe, signifie tout simplement grand fleuve dans le langage des Algonquins. D’autres Indiens l’appelaient aussi Cicuaga.

Depuis 1832, grâce à Schoolcraft, on sait que la source du Mississipi est le lac Itasca, plus connu des voyageurs canadiens sous le nom de La Biche. Ce lac est situé dans la région légèrement ondulée où s’opère la séparation des eaux entre l’Océan-Glacial, l’Atlantique et le golfe du Mexique. Il est élevé d’environ 520 mètres