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ment politique, avoir réduit tous « les princes d’Italie au rôle de gouverneurs seulement, avant que d’entreprendre de réduire le pape au seul domaine de la ville de Rome, en unissant par là le royaume de Naples avec le Milanais, bon gré, mal gré, et la force à la main. Il faut avoir des docteurs profonds qui instruisent le peuple de vive voix et par écrit de l’inutilité et de l’illusion des excommunications, quand il s’agit du temporel que Jésus-Christ n’a jamais destiné à l’église. » Une fois le pape en cet état, « il faudra que l’une et l’autre couronne[1] lui marquent tous les respects possibles pour le spirituel, pendant qu’elles le contiendront dans Rome, comme il était autrefois dans Avignon, à la dévotion du souverain régnant. »

En citant ce curieux passage du testament politique, il m’est impossible de ne pas faire une observation. Deux descendans du duc de Lorraine, Joseph II à la fin du XVIIIe siècle et l’empereur François-Joseph aujourd’hui, ont visé par des moyens différens à cet assujettissement du pape à l’Autriche, qui est une des conditions de l’assujettissement de l’Italie, l’un en opposant durement ses prérogatives temporelles aux prérogatives spirituelles de la papauté, l’autre en étendant par le dernier concordat la prérogative spirituelle du pape, non pas sur le pouvoir temporel de l’empereur, mais sur les libertés temporelles des sujets autrichiens, et tâchant d’obtenir par une habile alliance ce que Joseph II voulait obtenir par la lutte : la suprématie ecclésiastique du pape en Autriche était le prix de la suprématie autrichienne en Italie.

J’ai déjà beaucoup cité du testament politique de Charles V; il faut cependant que je signale encore deux points capitaux :

1° On ne pourra rien faire ni en Italie ni en Allemagne pour fonder la vraie monarchie que le duc de Lorraine veut substituer à l’empire, si « on ne redouble pas alors la ferveur des Anglais et des Hollandais contre la France, et si l’on n’entretient pas, sans y rien épargner, l’antipathie et l’animosité des couronnes et des peuples, afin qu’ayant cette épine au pied, la France ne soit pas en état d’amener de grandes forces au secours des complaignans d’Italie, » c’est-à-dire au secours des princes et des peuples italiens opprimés par l’Autriche. Ainsi exciter contre nous l’animosité de l’Angleterre et de la Hollande, afin d’empêcher que la France ne protège l’indépendance de l’Italie, voilà la première maxime d’état du fondateur de la politique autrichienne.

2° « Il faut favoriser les Anglais et les Hollandais, et même les Portugais, pour l’invasion des états du Nouveau-Monde, avec les flottes desquels il faut joindre une escadre équipée en Sardaigne, qui aille ou les installer sur les lieux, ou partager sous leur force

  1. La couronne d’Allemagne et la couronne d’Italie.