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de Neptune et de Minerve. En tout temps, les favoris de la déesse de la sagesse et du dieu des mers sont hors de concours.

Mais comme aucun exemple n’est concluant, parce qu’aucune expérience n’en répète identiquement une autre, il faut chercher quelles sont en elles-mêmes les garanties stables que la politique peut accorder à la justice. Nous avons supposé la loi civile conçue pour la liberté et défendue par des tribunaux équitables. La première sauvegarde de leur équité, c’est leur indépendance. Leur indépendance est dans la hauteur et la fixité de la position de ceux qui les composent. S’ils n’ont jamais à comparaître devant le pouvoir ou le public pour obtenir le renouvellement, la confirmation ou l’élévation de leur titre, ils sont indépendans, et leur intérêt est d’être justes. Placer le pouvoir judiciaire hors de l’influence directe de tout autre pouvoir, c’est donc là la première garantie. J’observe que les gouvernemens absolus eux-mêmes ont rarement osé prendre pour eux le droit de juger et dire comme Dieu : « A moi la vengeance! » Une sorte de pudeur leur a comme arraché l’indépendance du magistrat. Le crime dont ils aient le plus de peine à se défendre, c’est de l’avoir violée, et pour ne citer que cette tyrannie, qui a peut-être passé toutes les autres, la tache sanglante que toutes les eaux du Styx et du Léthé ne laveraient pas, c’est l’existence du tribunal révolutionnaire. Dans les temps plus calmes, l’établissement de toute commission arbitraire et temporaire qui dispose de la personne des citoyens est l’acte inexpiable d’un gouvernement, quel qu’il soit.

Mais ce point est difficile à nous contester; ne nous y arrêtons pas. Il s’agit, on s’en souvient, d’assurer la liberté civile. Comment en prévenir la violation, si elle est secrète? Les lois sont nulles, si tout n’est public dans l’exécution des lois. Les mots ici parlent d’eux-mêmes : si celui de public signifie à la fois ce qui intéresse le public et ce qui se fait en public, ce n’est pas une vaine coïncidence, c’est qu’il faut que les affaires publiques le soient. Qu’est-ce qu’une loi qui n’est pas promulguée? Un papier dans les archives. Mais promulguée, si nul ne peut savoir ce qui en résulte, si l’on ignore ce qu’elle devient dans l’application, la législation même peut n’être qu’un piège. Nulle assurance que ce qui se fait ressemble à ce qui s’écrit. La publicité est donc la première, la garantie des garanties.

Hésiode, il y a trois mille ans, voulait qu’une raison divine parlât par la bouche des peuples. Plus modestes, nos pères n’ont décerné à l’opinion que la royauté du monde. Dans les sociétés modernes, dans ces immenses réunions d’hommes qui couvrent un vaste territoire, aucun forum n’est assez grand pour contenir la publicité. Pour que les faits soient publics, il ne suffit pas qu’ils soient visi-