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lutaires. » Nous approchons ici du point le plus important parmi les objets de la guerre et les résultats de la paix. Le but de la lutte qui vient d’être soutenue pour l’indépendance de l’Italie était-il d’organiser l’indépendance par un système fédératif, ou conformément aux tendances du mouvement unitaire ? La question était indécise : nous en trouvons l’aveu dans une brochure italienne, la Toscana durante la guerra della Indipendenza. L’auteur de cette brochure, M. Alberi, annexioniste très résolu, s’ingéniait à deviner sur ce point les intentions de l’empereur Napoléon. Tout en reconnaissant que, d’après la fameuse brochure. Napoléon lll et l’Italie, la pensée impériale voulait établir au-delà des Alpes un système fédératif, il croyait trouver dans d’autres documens, sinon des encouragemens positifs, du moins la liberté donnée à l’expression des tendances unitaires. Il signalait dans cet ordre d’idées les phrases retentissantes de la proclamation de Milan : « Mon armée ne mettra aucun obstacle à la libre manifestation de vos vœux légitimes… Votre désir d’indépendance, si longtemps exprimé, si souvent déçu, se réalisera, si vous vous en montrez dignes. Unissez-vous donc dans un seul but, l’affranchissement de votre pays… Volez sous les drapeaux du roi Victor-Emmanuel… Demain, vous serez citoyens libres d’un grand pays. » Sans entrer dans cette discussion, il nous suffira de dire que la durée et les nécessités de la guerre favorisaient le mouvement unitaire, car il fallait bien, dans une guerre d’indépendance italienne, recruter le plus grand nombre possible de soldats italiens et les rallier sous un seul chef, mais que dans la paix la réorganisation de l’Italie indépendante ne peut se faire que sous la forme fédérative, car la paix est obligée de respecter les intérêts et les droits existans, et ne saurait brusquer le travail progressif et lent des esprits et des choses.

Bien que les esprits les plus élevés et les plus énergiques en Italie, ayant à leur tête le gouvernement piémontais, aient tous travaillé dans le sens unitaire au milieu du grand mouvement qui vient de s’accomplir, le résultat de la paix sera l’établissement d’une confédération italienne. Les informations nous manquent, nous l’avons déjà dit, pour apprécier le caractère de la fédération projetée. Nous ne savons qu’une chose, c’est que la France et l’Autriche sont d’accord sur la nécessité de la créer ; nous savons aussi que le pape en aura la présidence honoraire, mais nous n’en connaissons point le président titulaire. Comment l’autorité fédérale sera-t-elle formée ? Où se réunira la diète italienne ? Quelles seront ses attributions ? Jusqu’où s’étendra pour elle le droit d’intervenir dans l’administration intérieure d’états qui jusqu’à ce jour ont été maîtres absolus chez eux ? Nous l’ignorons. Il n’est pas téméraire de supposer que la plupart des souverains italiens n’ont pas un goût très prononcé pour cette combinaison nouvelle ; mais il n’est pas douteux que leurs répugnances ne soient facilement vaincues par les influences réunies de la France et de l’Autriche. En attendant que la fédération ait arrêté sa forme et écrit son pacte, nous nous bornerons à présenter une simple observation. La confédération italienne ne pourra être une combinaison efficace et utile aux progrès de l’Italie qu’à une seule condition : c’est qu’elle soit une véritable représentation de l’esprit national, et non une simple association de princes. Il est clair en