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apostats qui ont désobéi à Dieu et que Dieu n’a pas punis sur-le-champ. » Qu’on juge de la colère de Constance et de l’indignation des courtisans. Et comme on alléguait les canons : « Ma volonté, dit l’empereur en mettant la main sur son épée, est aussi un canon, et vos évêques de Syrie trouvent bon qu’il en soit ainsi. Faites comme eux, ou vous serez exilés avec Athanase. » Cette menace d’un coup d’état contre les représentans de l’église ne fut pas vaine ; la nuit suivante, cent quarante-sept d’entre eux furent arrêtés dans leurs chambres, emprisonnés provisoirement, puis envoyés en exil. M. de Broglie ajoute : « Il y eut assez de défections et de faiblesse pour couvrir d’une apparence légale ce tissu de fraudes et de violences ; la charité d’Athanase et de ses amis a dérobé les noms des traîtres à la justice de la postérité. »

Constance, comptant sur la complaisance que le pape Libère avait un instant montrée, mais qu’il avait bientôt rachetée, lui envoya dire par un eunuque de venir à Milan. Le pape refusa. D’autres émissaires furent alors dépêchés vers lui. Sans employer la violence, on l’entoura, on l’épia, on l’isola de telle sorte, que, vaincu par cette oppression morale, il consentit à se rendre à Milan ; mais ce fut pour résister à Constance, qui lui demandait la condamnation de saint Athanase. Il fut banni en Thrace, montrant le chemin de l’exil aux autres pontifes qui devaient quitter Rome pour ne pas céder aux empereurs.

Dès ce moment, la persécution arienne redoubla. Constance envoya à Alexandrie des agens pour faire quitter la ville à saint Athanase et des soldats pour l’effrayer. Le saint, sans se troubler, demanda un ordre écrit de l’empereur ; celui-ci, timide dans sa violence et craignant une émotion populaire, aimait mieux ne pas le donner. Enfin le duc Syrianus se décida à arrêter l’évêque de nuit dans une église, pendant le service divin. Il y eut là un vrai carnage. Quelques moines entraînèrent saint Athanase, qui s’obstinait à rester sur sa chaire épiscopale au milieu du danger. Le coup fait, Constance approuva tout et ordonna de poursuivre Athanase. L’évêque impérial, nommé George, arriva bientôt et se mit à la tête de perquisitions domiciliaires, exécutées avec une extrême brutalité, dans l’intention de découvrir la retraite d’Athanase ; mais le saint s’était réfugié dans la Thébaïde, où les sicaires de Constance ne purent l’atteindre. Là, changeant sans cesse d’asile, allant d’un couvent à un autre, il mena, sous un empereur qui se disait chrétien, la vie des chrétiens persécutés par les empereurs idolâtres, et dans cette vie errante et cachée l’évêque proscrit continuait à écrire. « Tour à tour racontant son histoire, dit M. de Broglie, exhortant son église, exposant le dogme, réfutant l’hérésie, jamais son esprit ne fut plus lucide, jamais sa réflexion ne fut plus mûre, jamais son