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plus grande part dans les progrès de l’agriculture et dans l’amélioration du sort des populations rurales ? Ce n’est pas la première fois qu’on voit en France la production s’accroître et la condition des classes agricoles se modifier heureusement sous l’influence d’une révolution juridique. Les ouvrages de Palissy, de Bodin, de Bellon, d’Olivier de Serres, suivirent les coutumes du XVIe siècle, comme les ouvrages de Chaptal, de François de Neufchâteau, de Boussingault, de Gasparin, accompagnèrent nos codes. Les mœurs s’expliquent par les lois, les lois par les mœurs. Étudier l’état présent des populations rurales au point de vue des droits civils et de la vie publique, au point de vue des intérêts matériels et moraux, c’est écrire un chapitre de l’histoire sociale de la révolution française, c’est tracer, sous quelques-uns de ses aspects les plus remarquables, le parallèle de l’ancien et du nouveau régime, c’est montrer en définitive combien la cause de l’agriculture est étroitement liée à la cause de la liberté.


I

Avant de rechercher et de constater l’influence que la révolution a exercée sur la condition des populations rurales en France, il ne sera pas inutile de faire quelques réserves. Quand on se place au point de vue agricole et qu’on parle de la révolution, il ne s’agit nullement de cette révolution politique qui, après avoir décapité Louis XVI et repoussé l’invasion étrangère, se traîne sous le directoire et vient expirer sous le consulat ; il s’agit de cette révolution sociale qui, depuis cent ans, par les efforts persévérans des gouvernemens les plus divers, a réorganisé la France sur des bases nouvelles. C’est pourtant de 1789 à 1800, dans la période la plus agitée de notre histoire, que les populations rurales ont fait les plus précieuses conquêtes et enduré les plus vives souffrances. D’une part, la révolution proclama dans la déclaration des droits les principes éternels des sociétés civilisées ; elle abolit le 4 et le 11 août les droits féodaux, les dîmes, les banalités, les rentes foncières perpétuelles et tous les privilèges de personnes, de terres et de lieux. Elle vota enfin cette loi célèbre du 28 septembre 1791 : « Le territoire de la France dans toute son étendue est libre comme les personnes qui l’habitent. Les propriétaires sont libres de varier la culture et l’exploitation de leurs terres, de conserver leurs récoltes et de disposer de toutes les productions de leurs propriétés. » D’autre part, elle diminua la population, affaiblit la production et la consommation, ruina le commerce, entraîna les capitaux dans, l’agiotage et les spéculations de la guerre, ravagea une grande partie du territoire,