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de l’église anglicane. Celle-ci cessait d’être en Amérique une religion d’état : elle n’avait plus de hiérarchie légalement reconnue, ni d’autre revenu que les contributions volontaires des fidèles. Presque tous les ministres préférèrent retourner dans l’ancienne métropole, ou une carrière régulière s’ouvrait devant eux. Lier les destinées du méthodisme au sort d’une église que la force des choses condamnait à s’éteindre, obliger une nation jeune, défiante et jalouse de son indépendance, à emprunter à un pays lointain, désormais étranger et peut-être hostile, sa hiérarchie ecclésiastique, son clergé et son enseignement spirituel, faire survivre les liens religieux aux liens politiques, c’était évidemment frapper de mort l’œuvre naissante. Wesley fut le premier à le reconnaître, et, renonçant à la direction qu’il avait jusque-là exercée sur les méthodistes d’Amérique, il consentit à laisser ceux-ci s’organiser en une église indépendante. Il envoya aux États-Unis en 1784, pour présider à cette tâche, un des hommes qui avaient la plus grande part dans sa confiance, le docteur Coke, et il lui désigna pour adjoint le plus populaire des prédicateurs demeurés en Amérique, le docteur Asbury. Une assemblée des prédicateurs fut convoquée à Baltimore pour le jour de Noël, et soixante sur quatre-vingt-six y assistèrent. Asbury, quoique Anglais de naissance, refusa d’accepter la délégation de Wesley à moins qu’elle ne fût confirmée par le libre choix de ses confrères. L’assemblée de Baltimore, s’appropriant les désignations faites par le réformateur, élut conjointement Coke et Asbury au poste de surintendans ou d’évêques, et choisit ensuite dans son sein, à la majorité des suffrages, douze prédicateurs qui reçurent le titre d’anciens (elders). Ceux-ci devaient être chargés d’administrer les sacremens et d’exercer sur leurs collègues une sorte de surveillance. L’assemblée adopta en même temps comme symbole les articles de religion, au nombre de vingt-cinq, rédigés par Wesley, et qui n’étaient qu’un abrégé des trente-neuf articles de la doctrine anglicane. Institution du nouveau clergé, gouvernement de l’église, détermination de la doctrine, tout reposa désormais sur l’élection, et eut pour base le suffrage universel. Il était impossible de modeler plus complètement la société religieuse sur la société politique.

Essayons maintenant de faire connaître dans ses détails l’organisation de l’église méthodiste. Dès que le nombre des adhérens s’élève à dix ou douze dans une même localité, ils forment une classe qui a un chef (leader) à sa tête. La classe doit se réunir une fois par semaine pour prier en commun, et le devoir du chef est de visiter au moins une fois par semaine chaque membre de sa classe, pour s’informer de l’état de son âme et le maintenir dans la foi.