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mination de quelques laïques aux fonctions de l’état, mais dans l’introduction de l’esprit moderne dans les institutions. C’est en vain que le gouvernement de Rome promettra des réformes : il ne pourra donner celles qui sont en contradiction avec sa propre existence, et toutes celles réclamées par l’empereur, quelque modérées et simples qu’elles paraissent, sont inconciliables avec le gouvernement clérical. »

Entre ces conclusions absolues et diamétralement contraires de la logique inexorable, n’y a-t-il point place pour une solution intermédiaire ? ne peut-on échapper à ce terrible dilemme où nos évêques disent : tout, et les adversaires du pouvoir temporel : rien ? Nous préférerions sincèrement, pour notre compte, une transaction, et nous nous efforcerons jusqu’au dernier moment de la croire possible. L’empereur, malgré l’assertion du mémoire des Romagnes que nous venons de citer, et qui porte la signature de M. Cipriani et du comte Pepoli, garde « la conviction, ce sont les propres paroles de sa réponse au cardinal Donnet, que le pouvoir temporel du saint-père n’est pas opposé à la liberté et à l’indépendance de l’Italie. » Il a le ferme espoir qu’une nouvelle ère de gloire se lèvera pour l’église le jour où cette conviction sera partagée par tout le monde. C’est évidemment au saint-père qu’il faut aujourd’hui communiquer cette conviction, car le jour où il s’en montrerait pénétré en réalisant les réformes que la France conseille au saint-siège depuis vingt-huit ans, il retirerait aux adversaires du pouvoir temporel leur argument le plus décisif, un argument qui les rend invincibles tant que la papauté proclame elle-même son incompatibilité avec la liberté et l’indépendance de l’Italie. Quant à nous, le fondement de notre espoir dans les concessions demandées au saint-père, nous le puisons dans l’expérience des concessions qui ont été jusqu’à présent obtenues de l’église par la société moderne. Tandis que la séparation des pouvoirs spirituel et temporel était poursuivie par l’esprit moderne, à quelles luttes, à quels déchiremens la société n’a-t-elle pas été en proie ! Quelles sinistres prophéties ont été lancées de part et d’autre, annonçant la ruine de l’église et la perdition des peuples ! La séparation est sortie de cette guerre. Après la séparation, les deux élémens qui se déclaraient irréconciliables, s’ils étaient une fois désunis, ont éprouvé le besoin de la paix. La paix s’est faite au moyen de transactions qui avaient été mille fois proclamées impossibles. L’on a réussi à tracer des limites entre le temporel et le spirituel, en asseyant sur ces limites non plus leur confusion ou leur antagonisme, mais leur alliance. Pourquoi une transaction analogue serait-elle impossible dans les États-Romains ? Il faut bien qu’elle soit possible, puisqu’elle est nécessaire. C’est en venant à l’examen des faits, non en s’obstinant, comme nos évêques, dans l’assertion tranchante d’un droit absolu, que l’on reconnaît la nécessité de la transaction. En examinant la question des Romagnes, il ne faut plus voir dans le pape que le souverain temporel, soumis dans l’exercice de son pouvoir aux conditions qui régissent tous les gouvernemens. Le saint-siège a acquis assez récemment les Romagnes par la conquête et par des traités ; il les a perdues par la guerre et les a cédées par un traité à la fin du XVIIIe siècle ; il les a recouvrées par d’autres traités en 1815. La possession de cette partie de l’état de l’église a donc été pour les papes diffé-