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révolutionnaires. Le gouvernement romain, comme tous les autres gouvernemens de l’Italie sauf le Piémont, eut le tort en 1849, lorsque son autorité fut rétablie, d’attribuer aux réformes que le parti libéral modéré avait eu à peine le temps de commencer les erreurs et les crimes commis par la démagogie. Lorsque la justice et la raison lui conseillaient de se fortifier contre les passions révolutionnaires en faisant droit aux vœux légitimes des Italiens, il a préféré restaurer un régime de compression aggravé par l’occupation autrichienne à Bologne, et il a contribué à créer cette situation extrême qui existait encore au commencement de cette année.

Ces évêques illustres de la France qui, du haut de la chaire évangélique, prêchent la croisade contre les populations de la Romagne, et qui, sans le savoir, exposent peut-être ce malheureux pays à des actes de désespoir, ces esprits éminens rendraient sans doute aujourd’hui un bien plus grand service à la cause de la catholicité en faisant comprendre à la cour de Rome qu’elle ne perdrait rien de son influence salutaire sur les consciences, parce qu’elle accorderait à la Romagne une administration politique distincte sous un chef laïque, et donnerait au reste des états de l’église une administration conforme aux besoins et aux lumières de l’époque ; car enfin, on doit le reconnaître aujourd’hui, le maintien ou le rétablissement de l’ancien ordre de choses n’est possible que par l’occupation ou l’intervention étrangère, et non-seulement l’idée d’une intervention nouvelle est universellement repoussée, mais encore l’occupation même de Rome doit cesser prochainement, ainsi que l’annonçait hier encore l’empereur dans le discours qu’il a prononcé à Bordeaux. Or, dans de telles circonstances, n’est-ce pas avec une haute prévoyance que l’empereur se demandait ce que l’armée française laisserait en partant de Rome, « l’anarchie, la terreur ou la paix ? » Les Italiens ont fait leur choix : ils veulent la paix-, et ils veulent naturellement les conditions désormais inévitables de la seule paix possible.

En m’efforçant de dissiper les doutes et les accusations qui s’élèvent quelquefois dans ce pays au sujet de la cause italienne, je ne me dissimule pas toutes les difficultés qui nous attendent, les résistances que nous avons à surmonter, les pénibles et dangereuses lenteurs de la lutte que nous aurons à soutenir ; mais d’un autre côté nous avons aussi, je le sais, bien des amis qui nous encouragent et des forces qui nous soutiennent. L’empereur Napoléon, après avoir tant fait pour la cause de l’émancipation italienne, voudra assurément achever par la paix ce qu’il a commencé par la guerre. Nous avons pour nous les sympathies de tous les libéraux sages et modérés de la France, désireux de voir enfin cesser les souffrances d’un peuple de la même race, le concours moral de l’Angleterre, la conviction désormais générale en Europe qu’il est temps de donner satisfaction aux vœux légitimes des Italiens pour faire disparaître une menace incessante de guerre et de révolution, la conscience universelle qui se révolte à l’idée d’obliger par la force un peuple redevenu maître de ses destinées à démentir des actes solennels, à annuler les délibérations libres de ses représentans, pour retomber contraint et froissé sous un régime moralement impossible. C’est là une somme de circonstances favorables constituant une situation qu’il y aurait de notre part peu de sagesse à compromettre.

Ce qu’il nous reste donc à faire aujourd’hui, c’est de vivre comme le fe-