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la pointe méridionale, touchèrent à l’île des Pins et vinrent reconnaître la partie inférieure de la côte ouest.

Bien que le port de Kanala soit un des plus beaux qu’on puisse voir, très vaste, offrant d’excellens mouillages, recevant une petite rivière qui est navigable durant un espace de sept ou huit milles et sur les bords de laquelle croît en abondance ce bois de sandal que, depuis de longues années déjà, exploitent des industriels, les sandalers australiens, cependant la côte occidentale a été choisie de préférence pour la création de nos premiers établissemens coloniaux, parce qu’elle est en communication plus directe avec Sydney et le reste de l’Australie. Elle présente des caractères distincts de l’autre littoral, moins de fertilité, des pentes plus abruptes et moins arrosées. Quelques points seuls font exception ; mais, par compensation, c’est là que se trouvent les richesses minérales qui donnent à notre nouvelle acquisition dans l’Océanie une si grande valeur. Tel est l’inappréciable avantage de la baie de Moraré, une des premières qui se présentent quand on a doublé la pointe méridionale. De nombreux cours d’eau y débouchent à la mer, et les navires y trouvent une aiguade formée au pied d’une cascade abondante qui descend du mont d’Or, pic isolé qui domine cette côte, et qui tient son nom de l’espoir que l’on avait conçu d’abord, sans le voir se réaliser depuis, d’y trouver des gîtes aurifères. La cascade se précipite d’une hauteur de vingt mètres, à quelque distance du rivage, dans une sorte de crevasse qu’elle a creusée au milieu d’un sol rougeâtre. Elle entraîne avec elle des blocs de granit, des quartz verts et des roches ferrugineuses. La richesse des vallées, les facilités d’irrigation, la douce déclivité des montagnes, appellent les cultures ; les forêts sont riches en bois, les bords de la mer sont dégarnis de cette bande triste et monotone de palétuviers, végétation parasite que l’on rencontre en tant d’autres points. De larges savanes semées de bouquets d’arbres semblent faites pour l’élève du bétail. Enfin des gisemens houillers occupent le pourtour de la baie : cinq veines de charbon apparaissent à la surface du sol dans le voisinage de la mer. Le petit vapeur le Prony profita de cette circonstance pour renouveler sa provision ; vingt hommes de son équipage descendirent à terre, et en cinq heures de travail ils préparèrent 2,200 kilogrammes de charbon qui, immédiatement essayé, fut reconnu d’une excellente qualité. Avec un mouillage meilleur, Moraré devenait le siège de notre principal établissement colonial. Faute de cette condition indispensable, c’est la baie voisine de Nouméa, aujourd’hui Port-de-France, qui voit se dresser le chef-lieu européen de la Nouvelle-Calédonie.

Voici un peu plus de quatre années que la première pierre de cet