Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ainsi entre la Nouvelle-Calédonie et les Sandwich une solidarité d’intérêts très profitable à celles-ci, et Honolulu s’est mis à grandir presque en proportion de San-Francisco. Les principales rues sont Main-Street et Nuuanu-Street, qui se coupent à angles droits. La première traverse la ville dans sa largeur, de la rivière des Perles aux plaines de Waikiki ; la seconde débouche sur le port, et va de la mer à la riante vallée de Nuuanu, toute bordée de riches villas, et terminée par un précipice fameux dans les fastes de l’histoire locale : le conquérant des Sandwich, Kamehameha le Grand, qui réunit sous sa domination l’archipel entier, jeta dans ce précipice son rival le roi d’Oahu avec les débris de son armée.

Ces deux rues, qui composent le beau quartier d’Honolulu, sont bien entretenues et bordées de maisons élégantes et de riches magasins ; beaucoup d’étrangers y font leur résidence. Un grand nombre de rues moins considérables viennent y aboutir : celles-ci sont souvent étroites et tortueuses, mais en général elles sont remarquables par leur propreté. C’est là une qualité qui n’est pas familière aux indigènes de l’Océanie à l’état sauvage, et qu’ils ont su, comme on le voit, prendre ici. Il n’y a d’infect que le quartier chinois, car là encore le Chinois a pullulé ; la Californie en a déversé sur les Sandwich quelques milliers, et même avant la découverte de l’or il y en avait déjà un certain nombre dans l’archipel. Ils y sont, comme partout, marchands, petits artisans, portefaix. On voit aussi quelques gros commerçans débitant des tissus des fabriques de Canton et autres villes du Céleste-Empire. Le Chinois est généralement ici plus humble qu’à Taïti ; le voisinage du Yankee le met mal à l’aise. Un certain nombre d’entre ces immigrans ont épousé des femmes indigènes et paraissent s’être définitivement fixés dans l’archipel. Ce que l’on voudrait voir et ce que l’on cherche vainement dans les rues populeuses et commerçantes d’Honolulu, ce sont de grands magasins dirigés par les indigènes : ceux-ci abondent dans le marché, font la vente de détail ; mais les affaires importantes, les grandes entreprises, qui pourraient les mettre sur le niveau des marchands anglais et américains, ils ne semblent pas encore bien les concevoir. Peut-être cependant l’exemple des hôtes industrieux que de ses deux rivages extrêmes le Pacifique leur apporte, Chinois et Américains, finira-t-il par compléter leur éducation commerciale. Cela est d’autant plus à désirer qu’il n’y a pas sur le globe de terre plus avantageusement située que les Sandwich. Quand l’isthme américain sera percé, ces îles seront la plus importante de toutes les stations entre l’Europe, l’Amérique, la Chine et l’Australasie. Sans attendre la réalisation de ce grand dessein, elles ont dès aujourd’hui une activité et une prospérité remarquables, dues au voisinage des placeres, à la visite annuelle des baleiniers américains