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et les vertus, à peine un supérieur et bien peu d’égaux chez les anciens et chez les modernes[1]

On ne sait si c’est en qualité de médecin, ou dans l’intérêt de sa propre santé, que Locke accompagna en 1668 la comtesse de Northumberland dans un voyage en France. Cette course se serait assez prolongée, s’il était vrai, comme on le dit, qu’il fût encore avec elle à Paris au mois de mai 1670, époque où le mari de la comtesse, Joscelin Percy, serait mort à Turin, en route pour Rome. Quelle que soit la date de cette mort, il paraît qu’elle ramena Locke soudainement en Angleterre. Il reprit à la fois sa vie du monde et sa vie universitaire. Malgré son éducation puritaine, l’une lui était agréable, et l’autre convenait à la simplicité de ses mœurs et de ses goûts. À trente-huit ans, il n’était que maître ès-arts, reçu en cette qualité à Oxford (1658) et à Cambridge (1663). Vainement son protecteur Ashley profita-t-il d’une visite que le prince d’Orange fit, au mois d’octobre 1670, à l’université, pour demander que Locke fût compris dans une de ces promotions collectives au doctorat qui signalent ces sortes de solennités ; le supérieur de Christ Church lui-même, le docteur Fell, paraît n’avoir montré dans cette occasion que de la froideur. Locke d’ailleurs tenait peu à ces distinctions, originaires d’un système d’études qu’il n’admirait pas. Il ne faisait que le nécessaire pour garder sa place à son collège. J’ignore pour quel grade il composa en 1672 une thèse de théologie sur la vérité du caractère messianique en Jésus-Christ. Deux ans après, il devint bachelier en médecine, et ce fut là le terme de ses dignités académiques. On a écrit qu’il fut élu membre de la Société royale ; mais on n’en donne aucune preuve.

Il était encore peu connu, lorsqu’un jour, réuni dans sa chambre avec Thomas, avec Tyrrel et quelques amis, il se livrait à une de ces instructives conversations, si supérieures, même pour la recherche de la vérité, aux solennelles discussions des écoles. On discourait sur un sujet fort différent de la métaphysique, peut-être sur quelqu’une de ces questions religieuses alors agitées sans cesse à propos de la politique, et la compagnie se trouva tout à coup arrêtée par des difficultés qui s’élevèrent de divers côtés. On se fatigua vainement à les vaincre, les doutes ne firent que se multiplier. Il vint alors à l’esprit de Locke qu’ils pouvaient bien avoir pris une mauvaise route, et qu’avant de s’engager en de telles recherches, il fallait examiner la capacité de leur esprit, et voir quels objets étaient à la portée ou au-dessus de l’humaine compréhension. Il fit

  1. Observ. medic. circa Morb. acut. histor. et curat. ; — Th. Sydenham, Opp., 2 vol. in-4o Genève 1769. Le même ouvrage avait paru en 1666 sous le titre de Method. cur. Febr.